Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/231

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homme sortit par la petite porte : mais dès qu’ils le virent, ils se mirent à courir en s’enfuyant, si bien qu’il ne put les rattraper. Heureusement il en venait deux autres par derrière, qui ne l’ayant pas vu sortir du château, n’eurent pas peur de lui. — « Mes amis, » leur dit-il, « pourriez-vous me dire pourquoi ce beau château n’est pas habité ? — Ho ! Monsieu’ ! n’y entrez pas ! — Il y a des lits, des meubles, du pain, du vin, de la viande au croc, et personne ? — Ho ! Monsieu’ ! » dirent les paysans, « vous êtes entré là ? — J’ai plus fait, j’y ai bu et mangé. » Il n’eut pas achevé ces mots, que les deux paysans firent le signe de la croix, et se mirent à s’enfuir. — « Ouais ! » dit le Gentilhomme, « qu’est ceci ?… » Il entendit encore d’autres gens qui venaient ; il alla au-devant d’eux, et leur dit : — * Mes amis, qu’est-ce que ce château que voilà ? — Ho ! Monsieu’ ! ne vous y arrêtez pas ! le Seigneur et la Dame ont été forcés de l’abandonner, à cause que leur fille, qui était belle comme le jour, s’y est mise sous la puissance du Diable, qui lui prête sa peau, pour courir les champs et les bois, et manger les enfants. Et quand elle a tué un enfant, elle en dépèce la viande, et la met au croc, pour la faire faisander ; et quand elle est faisandée, elle la rôtit, et puis la mange ; car elle ne veut point de chair crue, comme les autres bêtes qui mangent le monde. — Pourriez-vous me mener au Seigneur et à la Dame de ce château, bonnes gens ? — Oui dà, mon Gentilhomme. Depuis qu’ils ont été forcés de quitter leur château, ils se sont retirés dans la ferme, qui est à côté du village. »

Le Gentilhomme les suivit. Quand il fut arrivé à la ferme, il y trouva le Seigneur et la Dame plongés dans la douleur. Ils étaient assis auprès de la cheminée, ne