Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/235

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d’envie de sauter sur elle, et de s’en emparer ; mais il pensa qu’on ne lui avait pas recommandé, sans raison, d’attendre qu’elle fût endormie, pour lui prendre la peau. Il se retint donc ; et vers les deux heures, la pauvre malheureuse s’étant couchée nue sur le carreau, elle s’endormit.

Aussitôt le Gentilhomme ouvrit doucement son coffre, et s’étant glissé à terre, il alla prendre la peau. Mais à peine l’eut-il touchée, qu’il entendit siffler un gros serpent, entortillé dans un coin de la chambre sur un lit, dont il descendait, en dardant sa langue. Le Gentilhomme ne lâcha pas la peau ; il se dépêcha de rentrer dans son coffre, et il en referma le couvercle, avant que le serpent se fût tout à fait déroulé. Il ne fut pas plus tôt dans son étui, que la belle Fille s’éveilla. D’abord elle regarda autour d’elle ; puis voyant le gros serpent qui sifflait, en ouvrant une gueule, comme s’il eût voulu la dévorer, elle fit un grand cri. Le Gentilhomme fut tenté de sortir du coffre, pour aller à son secours. — « Ha ! malheureuse ! » disait-elle, « où est la peau qui me garantissait de cet affreux serpent ! » Et elle voulut fuir. Mais elle ne faisait que tourner autour de la gueule du monstrueux reptile, qui la voulait engloutir. Enfin, il la saisit. Le Gentilhomme, touché de compassion, ouvrit son coffre, et sa dague à la main, il se jeta sur le gros serpent, pour le percer. Mais il n’eut pas mis le pied dehors, que la Fille demi-dévorée tendit la main, toucha la peau, et fut aussitôt délivrée du serpent. Elle se vêtit de la peau, et devint une grande et monstrueuse levrette, avec le museau pointu du furet, et des dents aiguës qui lui sortaient de la gueule. Cependant que le Gentilhomme la regardait tout étonné, le gros serpent alla se mettre dans le coffre, et la Bête vint pour se jeter