Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/243

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mieux que mon père me donnât à un berger, ou bien à un vacher, que d’être dans un couvent. — Hé bien, mademoiselle Christine, » lui disais-je, « il faut être ma femme. Et, si vous le voulez, tout à l’heure cela sera. — Je le veux bien ! » me dit-elle un jour en riant comme une petite folle. Si bien que, d’après cela, tous les jours je jouais et badinais avec elle à la volée ; car on la surveillait. Et je cherchais, ainsi qu’elle, une occasion d’être tout à fait seuls ; car elle n’eût osé venir dans mon étable aux brebis comme y viennent vos sœurs. Un jour donc, elle dit à sa sœur Dorothée : — « J’ai envie que ce renégat Courtcou me porte à cheval sur ses épaules : c’est une envie que j’ai ; mais je n’ose me contenter seule. Ainsi, ma bonne amie, laisse-moi me contenter, je t’en prie. Car, quand une fois je serai au couvent, j’aurai assez le temps de ne pouvoir plus rien faire à mon gré. » Dorothée se laissa gagner, en disant seulement qu’il fallait bien prendre garde à n’être pas vus d’Amable, leur sœur aînée ! — « Hé bien, ma bonne amie, va faire le guet, » lui dit Christine. Dorothée y alla et Christine monta sur mes épaules, à cru, une jambe de çà, une jambe de là, que je tenais avec mes mains. Et elle me dit bien haut : — « Gageons, Coucourt, que tu ne me portes pas comme cela jusqu’au chaffaud à la paille de tes moutons. — Ô mon Dieu ! si fait, mademoiselle Christine, » lui dis-je, « et même je veux redescendre sans me reposer. » Je la montai donc dans le chaffaud à la paille, et, dès que nous y fûmes, Christine m’embrassa… »

— « Et puis, » lui demandai-je, — « Cela ne peut pas se dire. — Ha ! si fait ! dis-le donc ! » (Et je pensai à mes deux aventures : ce qui me faisait