Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/251

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Pierre fit seul le charme ; je surveillais le troupeau, de peur du loup, pendant l’opération, à laquelle François n’eut d’autre part que d’écorcher et de plumer. Tout étant fini, on me rappela. Nous mangeâmes la poule cuite entre deux pierres, sous le feu, précisément comme les sauvages du Sud, au rapport du capitaine Cook, font cuire des cochons entiers ; les pâtres infidèles ont eu, de tout temps, cet usage à Nitry : le loup est censé avoir dévoré ce que les bergers mangent entre eux… Courtcou m’assura qu’il avait de la chair du chat et des quatre oiseaux ; et rien n’empêche de le croire. Cette scène se passa sur la lisière des bois de Nitry, à l’endroit le plus élevé d’une très haute colline, qu’on nomme Triomfraid, parce que cet endroit est exposé à tous les vents, et que le fraid y triomphe, Courtcou acheva la cérémonie le soir même, dans une vieille grange abandonnée, qui dépendait de la Bretonne. Je lui fournis le vin ; il y mit les cendres, après en avoir jeté une pincée du côté des quatre vents ; il but les deux pintes de vin blanc, qui l’enivrèrent ; il ôta la paille dont il avait rempli la peau du chat noir pour la faire sécher, et il en fit une sorte d’éphod, ou de porte-vue, par lequel on devait regarder dans la seille… J’étais tremblant, à la porte de la masure, attendant le résultat, et prêt à m’enfuir, si le Diable était trop laid. Courtcou m’assura qu’il le voyait au fond de la seille ; il m’excitait, en balbutiant et hoquetant, à venir y regarder ; mais je ne pus jamais avoir assez de résolution. Le berger