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1746 — MONSIEUR NICOLAS

faisait au Diable des questions, en regardant et parlant par la peau du chat noir ; j’entendais une voix sourde et rogue qui lui répondait. Tout ce que je me rappelle, ne comprenant pas bien, c’est que Pierre dit beaucoup d’inepties ; que le Diable lui répondait comme du creux de son ventre : ce qui m’effraya si fort, que je ne voulus jamais écrire le pacte, quoique j’eusse apporté pour cela du papier et mon écritoire d’école. Courtcou, cependant, me pressait d’écrire un pacte qui allait (disait-il), mettre le Diable à nos ordres, à une condition meilleure que celles dont il m’avait parlé : c’était (et ceci va montrer la profondeur de la méchanceté de ce misérable !) de faire commettre à un autre, soit enfant, soit grande personne, fille ou garçon, un péché mortel de luxure, ou de gourmandise, à chaque service que le Diable nous rendrait : telle était la monnaie dont nous devions le payer. Courtcou se fâcha contre moi et dit qu’il ne me ferait plus de contes. Il s’adoucit ensuite, malgré son ivresse, et me vanta les prérogatives dont il allait jouir seul. Il se les fit dire par le Diable (c’était lui-même parlant à la façon des ventriloques ; on aurait juré que c’était une autre personne qui répondait). Il fallait que ce garçon eût appris toutes ces gentillesses avec les mendiants qu’il avait fréquentés dans sa première jeunesse. Il se fit dire quelles seraient les choses qu’il pourrait obtenir. Elles étaient singulières et bizarres comme l’imagination déréglée de Courtcou, encore exaltée par l’ivresse ; mais rien ne me toucha :