Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/253

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j’avais peur du Diable et horreur de l’ivresse. Cependant, je crois qu’à la fin le misérable eût réussi à me faire écrire le pacte, qu’il venait de prononcer tout haut, et d’après lequel le Diable venait de lui promettre monts et merveilles. J’aimais les contes, et il m’en priva les deux jours suivants : il m’en commençait de curieux et s’arrêtait aussitôt.

Mais, dans l’intervalle de mes doutes à ma future décision, il s’avisa de venir jouer avec nous au loup, dans la prairie ; Marie Fouard et Madelon Piot y étaient. Je fus loup d’abord ; Courtcou se laissa prendre et me pria tout bas de le deviner. Je le nommai donc et je lui bandai les yeux. Mais Marie et Madelon, précisément les deux auxquelles il en voulait, ne se soucièrent pas de jouer avec un étranger inconnu : d’autres furent moins scrupuleuses, et une d’elles, grièvement insultée, fit des cris qui terminèrent le jeu ; cependant, la pudeur empêcha la fille de se plaindre. Ce ne fut que le lendemain, dimanche, que j’appris de Courcou lui-même ce qu’il avait fait. Germain, le garçon de charrue, qui dormait à l’écart, fut éveillé par notre babillage, et il entendit, outre les aveux du berger, ses nouvelles sollicitations pour écrire le pacte. Ce fut cette ineptie qui l’indigna davantage. Le fidèle domestique voulait en parler à mon père ; mais ce fut à ma mère qu’il s’adressa. Courtcou était un assez bon berger ; il connaissait les maladies des moutons et les tenait en bon état : on regretta de s’en défaire. Et comme on imagina que j’étais le