Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/257

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je n’y comprenais rien. Il me fit ensuite raisonner, pour connaître l’étendue de mon esprit, la rectitude de mon jugement, autrement le bon sens que je tenais de la nature. « Quelles sont vos idées sur ce que l’on doit aux autres, sur ce qu’ils nous doivent ; sur la manière de se conduire avec eux ? Avez-vous quelquefois réfléchi là-dessus ? — Non, Monsieur l’Avocat. — Hé bien, qu’en pensez-vous, en ce moment ? — Ce que j’en pense ?… mais rien… — Comment ! rien ?… Vous ne savez pas ce que vous voudriez qu’on vous fit ? — Ho ! si fait, monsieur l’Avocat : je voudrais qu’on me fît tous les plaisirs que je désire ; je voudrais qu’on ne me reprît qu’avec amitié ; qu’on me donnât tout ce je demanderais. — Je vous crois ! mais les autres ont la même envie. Si vous voulez qu’ils vous aiment, qu’ils vous fassent plaisir, il faut donc leur en faire. Le plus sage commence. — Ho ! vous avez raison, monsieur l’Avocat ! et c’est comme je fais avec mes camarades, déjà depuis longtemps ! car ayant été bien méchant, un jour, quand j’étais tout petit, on me rendit tout le mal que je faisais aux autres ; je pinçais : on me pinça ; je crachais aux nez : on, m’y cracha. Je m’avisai de donner de mes confitures : tout le monde me donna ; et depuis j’ai fait plaisir le premier, pour qu’on me le fit de meilleur cœur. — Pourquoi, à ma première question, m’avez-vous dit que vous ne saviez pas ? — C’est que je n’avais pas compris. — Bon ! voilà une excellente réponse !…