Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/261

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nous apportaient, plusieurs fois l’année, du poisson ; c’était une fête pour tous les enfants, quand on annonçait la tante Merrat, ou la cousine Babet. Jean nous apporta un jour un saumon, qui était remonté jusqu’à Cravant, à la suite des bateaux de sel. Mon père envoya sur-le-champ le beau poisson à M. l’avocat Restif avec ce mot : « Je vous envoie ce saumon, pris à Cravant. Si Pierre vivait, je l’aurais partagé entre vous deux. Il n’est plus ; il vous appartient en entier. » Jean Restif repondit : « Edme, mon ami et parent : J’ai reçu avec plaisir, et plus qu’avec plaisir, le poisson rare pour nos endroits, que tu m’as envoyé. J’invite nos bons parents et amis de Noyers à ce régal : si tu pouvais en être, il n’y manquerait rien. Pars sur-le-champ, et viens souper avec nous ; car il y aura du regret pour tout le monde, et pour moi davantage, si tu n’y représentes pas Pierre… » Geneviève la marchande s’en retournait avec son gros Grêlé, quand mon père reçut cette invitation. Il répliqua : « Mon très honoré parent : Pierre ne saurait être représenté : je n’en suis ni digne ni capable ; mais je suis bien reconnaissant de votre indulgence… » Revenons.

Cependant l’abbé Thomas avait répondu aux sollicitations de mon père, et de l’avis de notre frère aîné, il avait consenti à me prendre. Mon père m’aurait conduit à Paris avant les vendanges, si Lariviére n’avait pas abandonné le troupeau : je fus encore berger. J’étais plus formé, mes soins furent plus entendus : jamais le troupeau n’avait été si