Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/78

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dais comme les seuls êtres bons, compatissants, incapables de me tromper, de me persifler ; l’ironie étant une figure de rhétorique avec laquelle on était toujours sûr de me mettre en fureur[1] ; en un mot je considérais les femmes comme d’excellentes créatures, infiniment éloignées de me faire du mal, et prêtes à me faire tout le bien qui pouvait dépendre d’elles. J’avais des hommes une idée diamétralement opposée, mon père seul excepté : je les regardais comme des êtres durs, sévères, moqueurs, méchants : ils m’effrayaient ; je les craignais, je les fuyais presque avec la même horreur que j’avais pour le chien. Quelle en était la raison ? j’avais avec eux l’air sérieux ; ils me croyaient raisonnable, et ne me passaient rien. L’isolement de la Bretonne me rendit ensuite sauvage comme les petits chats élevés à l’écart. L’orgueil et mon incapacité sentie m’éloignaient encore des hommes ; enfin mes deux frères aînés, alors séminaristes, m’épouvantaient par leur sévérité Janséniste.

  1. L’ironie et le persiflage, dans telle bouche qu’ils se trouvent, sont la marque d’un mauvais cœur ; je vais plus loin, je dirai, de la scélératesse, et le mot n’est pas trop fort. Considérez le méchant qui se plaît à torturer son semblable, en lui arrachant des sarcasmes (mot qui, chez les Grecs, signifiait lambeau de chair), et dites-moi si cet homme n’était pas fait pour être questionnaire ou bourreau ? Archiloque, et même Aristophane, devaient être de malhonnêtes gens. Il existe à Paris un imprimeur nommé Ppstts que les uns fuient, que les autres ménagent, et que tout le monde abhorre : c’est que Ppstts a le méchant esprit d’être persifleur.