Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 1, 1883.djvu/85

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que c’est un caractère généreux. Souvenez-vous de ces paroles, quand je ne serai plus ; et vous direz : — Voilà bien ce que le père Ferlet avait prévu ! » Il m’embrassa ensuite, et je sentis les larmes du respectable vieillard couler sur moi. J’étais ému, sans être étonné : j’avais cet orgueil, dont mon aïeul venait de parler, et il me donnait la plus haute idée de la dignité de mon être. (Hélas ! je ne l’ai plus, depuis longtemps !)… Nicolas Ferlet, dernier mâle Bertrô, partit, et je ne l’ai plus revu[1].

Dans le plan que je me suis proposé, je ne dois rien omettre de ce qui fit sur moi quelque impression : tel est le trait que je vais rapporter. Il aug-

  1. Je crois n’avoir été qu’une seule fois au village d’Accolay voir mon grand-père. Mais ma mémoire ne me dit pas clairement, si c’était avant ou après le trait que je viens de rapporter. Je n’ai jamais vu de si agréable petite maison. Elle n’avait qu’une chambre par bas, et un petit grenier ; mais elle avait un jardin, au bout duquel était un ruisseau. On y mit à rafraîchir le vin, et l’on dîna sur le bord. J’étais enchanté du ruisseau, grillé des deux bouts du jardin, et qui servait de vivier. Cette dernière propriété du dernier Bertrô, est passée à ma tante Mairat, dont les enfants, alors plus pauvres, sont aujourd’hui bien plus riches que moi. Je l’ai revue en 1764, quand j’allai vendre un autre petit jardin appartenant à ma mère, pour éteindre une rente due à la Fabrique de Vermenton. Ce fut à ce voyage, que je vis ma jolie cousine La Ramée, dont je parlerai dans la suite, et que j’ai placée dans mon Calendrier… Si j’ai vérifié en quelque chose la prédiction de mon aïeul, ce ne peut être qu’en écrivant la Vie de mon Père, cet ouvrage que mes ennemis même sont forcés d’approuver. (Sans copie, ce 31 octobre 1790).