Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/111

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pirât toutes les vertus… Non, je ne l’ai pas oubliée ! Colette, la céleste Colette, avait la même âme, la même beauté ; ce fut toujours la Femme de la nature que j’adorai !… À mon premier voyage, je ne la connaissais pas encore ; ainsi, ma joie, mon ivresse, qui s’accroissaient à mesure que j’avançais du côté de Sacy, n’avaient qu’une cause. Mais au second, seul, libre, le cœur dilaté par l’amour, j’éprouvai les sensations les plus vives dans les solitudes qui sont entre le Puits-Debond et Sacy ; elles devinrent attendrissement, à la vue des coteaux où j’avais été berger. Je m’écriai, non en homme, mais comme les animaux, par des sons inarticulés, et me prosternant, je baisai la terre natale. Je me relevai le visage baigné de larmes, répétant d’abondance : Unam petii a Domino, et hanc requiram omnibus diebus vitæ meæ. »

Arrivé à la Bretonne, je jouis enfin de ma patrie, dans la belle saison : je m’en donnai ! Le soir fut pour mon père et ma mère ; je leur racontai ce qu’ils ignoraient. Le lendemain, je sortis après déjeûner. J’allai d’abord à l’église, où je me rappelai les années de mon enfance ; chez le curé, messire Antoine, qui me fit beaucoup de questions sur mes frères, un peu refroidis avec lui. Je courus ensuite chez la bonne Lolive, ma nourrice, qui me revit avec transport ; ensuite, je fis presque le tour du finage, visitant tous les endroits où j’avais eu des sensations agréables, songeant à Jeannette, mais non d’une manière suivie, m’attendrissant sur tout, lar-