Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/112

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moyant de joie ou seulement d’émotion… Je n’allai cependant pas jusqu’à mon ancien domaine, ce vallon chéri où j’avais régné ; il était dans mes destins de ne le revoir jamais.

[Oh ! si j’y retrouvais un jour les débris de mes pyramides ! que je réunisse sous mes poiriers ce qui reste de mes anciennes amies, j’y expirerais d’attendrissement !… 14 Juin 1793.]

C’est à ce voyage que j’eus une aventure, que j’ai annoncée, avec une voisine de la Bretonne : aventure que je ne puis taire, quoiqu’elle doive m’attirer l’accusation d’être immoral ; mot nouveau, que j’entends aujourd’hui retentir de tous les côtés ; mais je dois être vrai, ou nul. J’ai dit un mot d’une fille, appelée Marguerite Miné, qui habitait la dernière maison du bourg, du côté de la Bretonne. Nous nous étions toujours parlé en bons voisins. Comme j’étais à Sacy pour plus de huit jours, parce qu’on m’y faisait une habit complet, j’eus occasion de voir Marguerite. On m’avait dit chez nous qu’elle se mariait avec Covin, le milicien, grand drôle bien bâti, faraud, faisant le beau parleur. Marguerite était jolie ; M. Covin la prenait par inclination, car il était plus riche qu’elle ; c’est-à-dire que Marguerite avait environ pour cent vingt livres de terres labourables, et que Covin avait pour six cents livres, tant prés, que vignes et terres ; ce qui, à vingt francs le journal, lui faisait quinze ou dix-huit journaux, un arpent de vigne, et quelques quartiers de prés dispersés dans la prairie : c’était six journaux de chaque façon,