Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/119

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C’est par déférence pour mes parents charnels, que je m’y suis prêté » (jamais le curé n’a dit simplement, mes parents, en parlant de sa famille ; mais toujours mes parents charnels ; c’est que les parents spirituels, l’évêque, le supérieur du séminaire, le confesseur et ses confrères curés étaient bien davantage à ses yeux ! La dévotion est donc quelquefois contraire à la nature ?) « Aussi, je crains beaucoup pour le salut de Nicolas ! — Je voudrais pourtant bien étudier ! — C’est une tentation du Démon. — Mais qu’est-ce que cela vous fait ? — Ma conscience y est engagée. — Vous me dites là une chose étonnante ! — Mais vous faites le raisonneur ! Taisez-vous. » Puis se radoucissant : « Vous me remercierez un jour de mon refus. » Ainsi, le pauvre Huet se vit forcé de perdre le temps précieux de sa jeunesse, parce que la dévotion avait mis dans la tête du curé de Courgis, qui l’avait mis dans celle de Madame Brochan, la même absurdité, qu’une espèce de philosophie a mise, depuis, dans celle de l’éloquent atrabilaire de Genève ! Les motifs du dévot et du philosophe paraissent d’abord différents ; mais à l’examen, ils sont les mêmes : inutile, temps perdu ; lumières dangereuses, etc.

    gens d’esprit. Le moyen qu’il prit, pour les dissiper, fut d’anéantir en lui le raisonnement : la Bible lui tint lieu de raison, de physique, d’expérience. « C’est là qu’est tout ce que je dois savoir, » disait-il, « Je suis ministre de la Religion : mon emploi est de croire, et de faire croire ; je ne serais pas même honnête homme, si je ne croyais pas. » Il y a du sublime dans cette façon de penser.