Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/122

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Testament, et deux leçons du Catéchisme du Diocèse : j’avais la même tâche, et en outre, dans le même temps, ma leçon de Particules, deux chapitres du Catéchisme historique de Fleury, une fable de Phèdre, ou une èglogue de Virgile, ou un chapitre soit des Selectæ e Veteri, soit e Profanis, ou postérieurement une lettre Latine de Saint Jérôme, ou un chapitre de la Cité de Dieu, de Saint Augustin. (Ces dernières études vinrent dans un temps où l’on redoutait mon goût pour les auteurs profanes : que de sottise dans la piété ! Mon frère aîné, un homme d’esprit, parut en venir jusqu’à la crainte puérile, que la lecture des auteurs classiques ne me rendît païen ! C’était manquer de sens : un homme qui réfléchit, ne tombera jamais dans le polythéisme !) J’apprenais ma tâche entière en trois quarts d’heure ; les exhortations de mes parents, le sentiment de ma pauvreté, l’image aiguillonnante de Jeannette surtout, me donnaient un courage au-dessus de mes forces naturelles. Non-seulement je voulais éviter les réprimandes d’un maître inexorable, qui semblait aimer à fouetter, mais je voulais savoir ; Jeannette régnait en divinité sur mon âme : j’espérais de l’obtenir un jour, et je n’aurais pas voulu lui offrir un mari indigne d’elle, par son incapacité.

Cependant, comme on le verra dans peu, d’autres femmes que la touchante Rousseau m’inspiraient des désirs (ou plutôt, Jeannette ne m’en inspirait pas : présente, sa seule vue remplissait mon âme ; absente, je ne désirais que sa vue). Mes désirs les