Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/123

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plus violents étaient excités par un objet que j’avais continuellement sous les yeux, la gouvernante : ce fut elle qui la première me fit connaître le remords ! oui, j’éprouvai ce pénible sentiment qui nous tourmente, lorsque nous nous sommes abandonnés à des écarts qui blessent la délicatesse d’une passion vive, extrême. Mais les sens l’emportaient : ma dernière aventure de Sacy avait donné du jeu aux organes, et déterminé le cours des esprits ; je souffrais, je brûlais, j’étais agité par la plus violente des tempêtes… (Est-il étonnant que les jeunes gens des villes soient perdus si tôt, eux à qui les occasions sont présentées sans cesse !)

Ce fut dans le temps de cette effervescence, que l’abbé Thomas ayant par hasard laissé ouverte une cassette, dans laquelle il renfermait quelques livres, tels que mon Phèdre Latin-Français, par la raison qu’on a vue, Tibulle, Térence, Catulle, Martial, Ovide, Juvénal, et quelques autres, j’y portai la main, et j’en tirai… Térence, Je me cachai à l’heure de la récréation, pour lire cet auteur. Il me transporta de plaisir. Ah ! quelle différence, de la Vérité rendue sensible, et des Anecdotes de la Constitution Unigenitus, au premier comique de l’ancienne Rome ! Je lus, je dévorai trois actes de la première pièce, l’Andrienne. J’y retrouvais les sentiments de mon cœur pour Jeannette ; j’admirais le naturel, moi qui n’avais encore lu, la Bible exceptée, que de sottes bouffissures, ou des idéalités ; ce fut ce beau naturel qui me frappa, qui me saisit ! Depuis long-