Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

depuis ce moment, j’y rêvai nuit et jour. J’ignorais le dénouement de la pièce ; le croyant admirable, merveilleux, je me creusais la tête à l’imaginer, et me désespérais de ne pouvoir réussir. J’amalgamais l’histoire de Jeannette avec celle de Glycérie ; la passion de Pamphile légitimait la mienne ; Jeannette en fut plus aimée et j’eus plus d’ardeur pour le travail.

1749 Ce fut dans ce temps que, la tête échauffée, je tâchai de faire une comédie : mais je n’avais pas un modèle entier ; je ne pouvais produire qu’un monstre. Je l’écrivis en Latin ; mais ignorant l’art des vers, ce fut en prose. Cette fantaisie ne me fut pas inutile ; j’écrivais avec chaleur ! et à l’aide de mon excellente mémoire, je me servis de quelques expressions du poète Latin : car j’ai oublié de dire qu’en une seule séance, j’aurais eu lu toute la comédie, si, à chaque phrase, je n’avais comparé la traduction au Latin… Ici quelqu’un m’arrête : — « Vous écriviez en Latin, et vous en étiez encore aux rudiments ? » Ne croyez pas, interrupteur, que j’étudiasse comme vos enfants, dans vos collèges ; comme vous qui eûtes des parents sans âme, peut-être sans vertu ; comme vous qui n’aimiez pas Jeannette, ni par conséquent l’étude ; qui vous acquittiez de votre devoir, comme d’une corvée ! comme vous, qui n’aviez pas lu trois actes et demi de l’Andrienne ! Moi, j’avais vu à demi le chef-d’œuvre de l’esprit humain, une comédie qui mettait en jeu la passion toute-puissante de l’amour, et toutes les autres, sans en avoir vu le dénouement, qui les calme. Moi