Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vant, m’avait mis la Nannette à Mme  Rameau ; elle était encore plus décisive, ayant passé l’époque où la voix change et devient mâle ; le rasoir m’était déjà nécessaire… Marguerite s’aperçut de mon attention sur elle, et cette bonne fille en parut flattée. Elle savait que j’avais une passion dans le cœur ; elle la regardait comme un malheur pour moi, et craignit que je ne souffrisse autant, en adorant la fille, qu’elle avait elle-même souffert en aimant le père. Une distraction lui paraissait avantageuse et elle n’était pas fâchée d’y contribuer. Nous étions seuls, mes camarades jouaient ; l’abbé Thomas était occupé ; moi j’étudiais à ma petite table, auprès de la fenêtre. Non loin de moi, Marguerite épluchait une salade, les jambes croisées, et me montrant ainsi sa jambe jusqu’au mollet, et sa jolie mule ne tenant à son pied que par la pointe. Mon imagination allumée, mes sens embrasés ne me permettaient pas de rester en place… Je ne pus résister au frottement machinal (soit que la Nature voulût un soulagement nécessaire, soit que l’irritation seule l’amenât). Je me lève dans une ivresse de fureur ; je vais à Marguerite… Elle ne s’effraya pas : — « Mon cher enfant », me dit-elle avec douceur, « qu’avez-vous ? Eh bien ! eh bien ! que voulez-vous ? » Je ne répondis pas, mais je lui tenais les mains, que je serrais, sans faire aucune autre entreprise. Elle se troubla pour lors en voyant mes regards effarés : — « Monsieur Nicolas ! vous vous trouvez mal ?… Je vais vous donner de