Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/146

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ture, l’âne curial, très têtu, très fort et très beau dans son espèce. Je courus au devant de ma chère confidente, avec tout l’empressement d’un fils qui vole au devant d’une mère chérie. Je la trouvai dans la vallée de Montaléry, et je lui fus d’un grand secours, à la montée de la colline en chapiteau, qui amène au tertre de Courgis. Parvenu au-dessus, je priai Marguerite de remonter sur Martin ; elle fut obligée de s’appuyer sur moi. Je sentis un léger frémissement de plaisir. Elle s’assit, et j’arrangeai ses jupes sur ses jambes ; je touchai son pied ; mon cœur palpitait… Sœur Marguerite voyait mon émotion ; elle en souriait. Elle me reparla de Jeannette : elle m’assura que c’était Mlle  Rousseau que j’aimais. À cela, je répondis par une confidence bien sincère : je lui exposai mon âme toute nue, le genre de mon attachement pour la belle Rousseau, celui de mon goût pour Marianne ; j’allai jusqu’à lui parler de ce que m’inspiraient les autres femmes. Elle parut un peu surprise de l’étendue de ma confidence ! Enfin, il fut question d’elle, et mes expressions furent brûlantes. Nous descendions le tertre ; la rapidité de la colline m’obligeait à tenir le panier opposé à celui où Marguerite avait ses pieds ; je lui prenais de temps en temps la taille pour la soutenir aux demi-faux pas que faisait Martin. Elle était rouge comme une rose, à ce que j’entrevoyais de profil. Elle n’eut pas le loisir de me répondre, attendu que l’abbé Thomas, qui était venu voir le champ curial, nous joignit à l’improviste… Après souper, tout le monde sortit,