Page:Restif de la Bretonne - Monsieur Nicolas, t. 2, 1883.djvu/148

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paraissait pas trente ans ; son agréable figure, que les chagrins de l’amour avaient tirée, se rafraîchissait par un sourire rajeunissant, qui n’excluait pas une intéressante langueur ; ses grands yeux noirs étaient doux et brillants… Et j’avais l’âge où rien de tout cela n’échappe… Une chaise, que je mis à la porte, la fit monter commodément sur Martin, et je marchai à côté d’elle pour empêcher de vaciller le panier où posaient ses pieds. À la descente du vallon de Montaléry, elle fut obligée de quitter sa monture : je la reçus dans mes bras ; je la soutins embrassée par la taille en descendant ; je la portais presque. Arrivés dans le vallon, j’eus le plaisir de la voir marcher sur la pelouse, de cette manière voluptueuse et dégagée à laquelle contribue tant la hauteur des talons dans les femmes parfaitement bien faites… Elle remonta, aidée par le talus d’un ancien étang. Je l’arrangeai comme la première fois ; mes mains brûlantes erraient sur ses pieds, sur le bas de sa jupe ; elles les quittaient avec crainte, et j’y revenais à tout moment sans le vouloir. Nous causâmes ; le chemin n’avait plus rien de difficultueux jusqu’à la ville. Marguerite, pour faire diversion, me parla de Marianne. Je lui répétai ce que je lui avais avoué quelque temps auparavant, et je le confirmai par l’étude que j’avais faite postérieurement de mes dispositions. La sœur nomma Jeannette la première, c’est-à-dire avant que j’en parlasse. Je rougis, je baissai les yeux ; je retirai mes mains du panier. — « Ah ! que vous l’aimez ! » dit Marguerite en souriant. — « Oui, je