Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1912.djvu/22

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théorie dynamique et fonctionnelle et d’une théorie rationaliste du jugement. Boodin (VII, 508), veut résoudre empiriquement le problème de la connaissance ; pour le résoudre, il faut voir s’il y a identité entre notre expérience d’aujourd’hui et celle d’hier, et entre notre expérience propre et celle des autres individus ; il faut de plus étudier les relations qui existent entre les différents contextes : contexte des relations temporelles et spatiales, contexte de l’esprit individuel, contexte social, dans lequel les différents processus peuvent s’insérer. Notre connaissance est exacte sans être complète ; car elle ne choisit dans la nature que les identités et les répétitions. Pour Singer, (VIII, 180), la conscience est avant tout « un mode de comportement ». Pour Dewey, (VIII, 393), la perception n’est pas un mode de connaissance, mais seulement un événement naturel. Tawney (VIII, 197), veut que les psychologues renoncent à affirmer l’identité de l’âme et de la conscience, et d’autre part qu’ils abandonnent la théorie de la conscience comme action réflexe. La conscience est la continuité de la valeur immédiate, en entendant par valeur immédiate un aspect de tout ce qui sert d’occasion à l’exercice de nos pouvoirs d’action. Mac Gilvary (VIII, 511), examine la conception relationnelle de la conscience chez James et chez Woodbridge ; il met en lumière ce que ces deux théories ont d’insuffisant. Sans doute la conscience est une relation ; mais il faut faire entrer dans sa définition le fait qu’elle est un ensemble, une réunion. C’est aussi sur ce fait qu’insiste Dickinson Miller (VIII, 322). De Witt Parker (VII, 594) critique les théories du jugement qu’ont proposées Rickert et Royce. Woodbridge Riley (VIII, 225, 289) étudie les « critiques continentaux du pragmatisme, les Français et les Italiens ». Les Latins, dit-il, sont spécialement aptes à interpréter nos façons de penser, les Français à cause de la clarté de leur style et de leur vision lumineuse, les Italiens à cause de leurs instincts sociaux. »

Aux théories pragmatistes peut se rattacher la conception esthétique et lyrique de la philosophie de H. M. Kallen (VII, 589) : la philosophie n’appauvrit pas le monde, elle l’enrichit d’une infinité de dimensions. Dickinson Miller (VII, 652) distingue deux façons de voir les choses ; ou bien on les voit de près, dans leur vie, dans leur épaisseur ; mais on en voit peu ou bien on en voit beaucoup, mais on les voit de loin et de haut ; et à la limite on n’a plus devant soi une peinture, mais une carte. Pour lui, il veut que la philosophie ne cherche pas à l’intérieur des choses, ou au-dessus des choses, ou derrière les choses, mais qu’elle voie les choses elles-mêmes. Il faut instituer en philosophie la représentation de la majorité ; il y a comme une grande fraude inconsciente qui vient de ce que le philosophe a un tempérament spécial ; c’est comme si tous les historiens appartenaient à un seul parti. Les sensations et les sentiments deviennent des illusions. Par bonheur le psychologue est là qui étudie les illusions comme les réalités, et le vrai psychologue est un artiste. C’est de même dans une sorte d’humanisme que Dewey et Bawden cherchent une conciliation entre les différentes conceptions de la philosophie. Dewey parle d’une foi humaine dans la signification humaine de la philosophie (VII, 508) ; Bawden définit l’art comme la nature humanisée et montre les rapports de la science et de l’art (VII, 521, 602) ; Sturt voudrait que tout en restant aussi pratique, le pragmatisme devint plus spéculatif, et plus métaphysique (VII, 558).

Comme le remarque Santayana (VIII, 118) le pragmatisme, par sa théorie de la conscience, a amené d’assez nombreux philosophes au réalisme. Mais une grande partie des réalistes se détachent de plus en plus du pragmatisme pour se rapprocher de Russell. Dewey et A. Moore tiennent à séparer leur réalisme, qui reste un réalisme pragmatiste, du réalisme de Perry ou de Spaulding. Moore, dans un article important qu’on trouve reproduit dans son dernier livre, et sur lequel nous n’insisterons pas, soutient que l’idée altère la réalité ; le réaliste ne tient pas compte, dit-il, du dynamisme de la nature, ni de l’incertitude, de l’indétermination inhérente à certaines situations ; il spatialise et il immobilise tout ; il sépare arbitrairement le fait et ses conséquences, la connaissance et l’action (VII, 617). Bush, qui se rattache également à l’école de Chicago, distingue dans l’idéalisme des conceptions caduques, les idées de monde, d’absolu et d’âme, et des éléments durables que le réalisme n’atteint pas (VIII, 169). Dewey (VII, 553 ; VIII, 77) examine spécialement la théorie de l’extériorité des relations, sur laquelle les réalistes, dans la « plate-forme » présentée dans le Journal l’an dernier, insistaient particulièrement. Veut-on dire que les contenus logiques des termes ne sont pas modifiés par l’acte même de la connaissance, ou que, la connaissance une fois formée, le contenu des termes est indépendant de leurs relations ? Dans le premier cas, la doctrine est une