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a. espinas. — les origines de la technologie

Dans l’Iliade et l’Odyssée, l’impuissance de l’homme et l’infélicité de la vie sont plusieurs fois proclamées. « L’homme est le plus malheureux des êtres qui respirent ou qui rampent sur la terre. » (Il., xviii, 445.) Et sa misère est voulue par les dieux : « Ainsi les dieux en ont décidé pour les malheureux mortels ; ceux-ci vivront dans la peine, tandis qu’eux-mêmes restent exempts de souffrances. » (Il., xxiv, 525.) Par quel moyen l’homme peut-il éviter le malheur qui pèse sur lui ? Il n’en est aucun dont sa volonté dispose. La divination lui ouvre l’avenir ; mais d’abord les dieux ne révèlent l’avenir que s’ils le veulent, ensuite la connaissance de ce qui doit arriver ne guérit pas les hommes de leur misère : les augures eux-mêmes succombent aux malheurs qu’ils ont pu prévoir, (Il., ii, 858 ; xvii, 218.) Il arrive aussi que des puissances célestes aveuglent elles-mêmes les humains en proie à leur colère et leur inspirent des résolutions fatales. « Mérops connaissait entre tous la mantique et ne laissa pas aller ses fils, Adrastos et Amphios, à la guerre dévorante ; mais ceux-ci ne lui obéirent pas, car les génies du noir trépas les poussaient. » (Il., ii, 831 ; xi, 329.) Dans l’Odyssée[1] on voit Minerve exciter les prétendants à outrager Ulysse, insolence qui leur coûte la vie. Les sacrifices et les prières sont la dernière ressource des hommes ; mais bien faible, car les dieux n’acceptent que les offrandes qui leur plaisent. Les dieux homériques agissent donc en dehors de toute considération d’équité ; ils dispensent arbitrairement les biens et les maux[2]. À la vérité leur volonté est plus semblable aux forces de la nature d’où ils sont récemment issus qu’à une providence intelligente, avec cette différence que ce sont des forces sans lois et sans raison. Il n’y a donc pour l’homme aucun moyen sûr de conjurer leur colère ou de gagner leur faveur ; leurs desseins, quand ils sont bienveillants, ne demandent aucune coopération de leurs adorateurs. Par exemple il n’y a point de formule, il n’y a pas de procédé qui puisse con-

    antérieures ; elle a passé trois siècles, quatre peut-être à s’assimiler ces résultats ; quand ce travail a été terminé, elle s’est trouvée d’emblée en mesure de commencer la théorie de la technique à une période où d’autres étaient encore engagées dans la lutte contre les difficultés de la vie. La comparaison a aussi suscité chez elle l’esprit de généralisation et de synthèse, car la comparaison est inséparable de ce travail d’imitation et d’emprunt.

  1. xx, 284, 343. Cf. Il., iv, 70, 104.
  2. « Jupiter lui-même distribue les richesses aux mortels, vertueux ou indignes ; chacun reçoit la part qu’il plaît au roi de l’Olympe de lui accorder. Celle qu’il t’a faite, il faut que tu l’acceptes d’un cœur patient. » σέδε χρὴ τετλάμεν ἔμπης. C’est là une partie, mais seulement une partie de la philosophie de l’action des poèmes homériques. (Odyssée, vi, v, 188.) Les conclusions de M. Hild dans son intéressant ouvrage sur les Idées pessimistes chez Homère et chez Hésiode (1886) sont peut-être trop absolues.