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lévêque. — l’atomisme grec et la métaphysique

connaissances et opposait expressément l’une à l’autre. Voici, sur ces deux espèces de connaissances et sur leur valeur logique bien différente, la traduction de plusieurs passages de Sextus qui se suivent dans le même chapitre du même livre :

« Démocrite répudie tout ce qui apparaît aux sens ; il affirme que parmi les apparences sensibles aucune n’est vraie et que ce ne sont que des objets d’opinion ; il dit qu’il n’y a de vérité qu’en ce qui existe réellement, c’est-à-dire dans les atomes et dans le vide. C’est l’opinion usuelle qui affirme l’existence du doux et de l’amer, du chaud et du froid, de la couleur ; c’est en réalité qu’existent les les atomes et le vide. Ainsi, l’existence des objets sensibles n’est que conjecturée et présumée ; elle n’est pas certainement vraie. Il n’y a de vrais que les atomes et le vide. Dans son ouvrage intitulé : Confirmations, Démocrite annonce d’abord qu’il va établir les titres des sens à notre croyance ; puis il se trouve qu’il en infirme le témoignage. Il dit en effet : En réalité, nous ne connaissons rien de vrai ; nous ne saisissons que ce que nous apportent nos impressions corporelles et ce qui, par elles, pénètre en nous ou s’oppose à nous. Il dit encore : Ce qu’est ou n’est pas chaque chose en elle-même, nous n’en savons rien. On vient d’en donner plusieurs preuves. Dans son livre sur les Idées, il enseigne que l’homme doit partir de ce principe qu’il est à cent lieues de la vérité. Et encore : Notre démonstration établit que nous ne savons rien sur rien, mais que chacun n’a que des opinions variables comme ses impressions. Et ailleurs : Il est donc bien clair qu’il est au-dessus de nos forces de savoir ce qu’est chaque chose. Dans le même ouvrage, il semble renoncer à toute connaissance, mais en réalité il n’attaque précisément que la seule perception sensible. Dans son livre intitulé les Règles (ou les Canons), il distingue deux sortes de connaissances, l’une par les sens, l’autre par la pensée ; il déclare que la première est légitime et lui attribue le caractère auquel on reconnaît la vérité ; il appelle la seconde connaissance obscure et lui refuse le pouvoir de discerner sûrement le vrai. Il dit littéralement : (λέγει δὲ κατὰ λέξιν) : « Il y a deux genres de connaissances, l’une légitime, l’autre ténébreuse ; à la connaissance ténébreuse appartiennent toutes les perceptions suivantes : la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le tact ; quant à la connaissance légitime, elle est cachée par l’autre. » Ensuite, mettant la connaissance légitime fort au-dessus de la connaissance ténébreuse, il ajoute textuellement : « Puisque la connaissance ténébreuse est impuissante à saisir la moindre parcelle de vérité, soit par la vue, soit par l’ouïe, soit par l’odorat, soit par le goût, soit par la sensation du tact, il faut recourir à une faculté plus subtile. » Donc, d’après