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carrau. — moralistes anglais contemporains

les caractères des axiomes ? Un axiome doit pouvoir s’énoncer en termes clairs et précis : il doit être réellement évident par lui-même ; il ne doit jamais être en contradiction avec une autre vérité ; il doit enfin être accepté par l’accord unanime de toutes les personnes compétentes. Ces caractères, on les chercherait vainement dans les axiomes moraux du sens commun. Les maximes de la sagesse ne sont évidentes que parce qu’elles sont tautologiques : » elles se ramènent en effet à cette formule : il est bien d’agir selon la raison. Mais bien agir et agir selon la raison sont deux expressions qui signifient la même chose, et il reste toujours à savoir quelle est précisément la fin que la raison propose à la conduite.

« Il est impossible de dégager quelques axiomes évidents, absolus, universellement admis, pour déterminer les devoirs relatifs aux affections.

« Quant au groupe des principes que l’on peut extraire de la notion générale de justice, nous sommes impuissants à les définir, chacun pris à part, d’une manière satisfaisante, encore moins à les concilier entre eux.

« Le devoir même de bonne foi, si nous venons à considérer les nombreuses restrictions qu’il comporte de l’aveu plus ou moins explicite du sens commun, paraît être plutôt une règle secondaire du principe de l’utilité qu’un principe premier et indépendant. Il en est ainsi, et plus manifestement encore, du devoir de véracité.

« De même enfin pour toutes les autres vertus… Les maximes morales communément reçues sont suffisantes pour guider dans la pratique, mais ne peuvent être élevées au rang d’axiomes scientifiques. »

Nous pensons, avec M. Sidgwick, que les maximes morales du sens commun ne peuvent être considérées comme des axiomes, mais il ne nous paraît pas qu’on ait le droit d’en tirer une objection sérieuse contre l’intuitionisme. Ceux qui acceptent cette doctrine n’ont jamais prétendu que toutes les règles de conduite fussent évidentes par elles-mêmes et qu’entre elles ne se manifestât jamais le moindre conflit. Nous l’avons dit déjà : il n’y a qu’un fort petit nombre de principes très-généraux qui aient vraiment le caractère d’évidence immédiate. Les autres sont de simples déductions tirées de ces principes ; ils sont subordonnés entre eux, selon une certaine hiérarchie de généralité, et peuvent se limiter réciproquement. Les devoirs envers la famille, par exemple, doivent être subordonnés aux devoirs envers la patrie ; ils sont limités par les devoirs envers soi-même, que dans certains cas ils circonscrivent à leur tour. Absolue en elle-même, telle obligation particulière peut être