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W. Wundt.Ueber den Ausdruck der Gemuthsempfindungen (Sur l’expression des émotions).

Dans les quelques pages consacrées au sujet qu’il traite l’auteur se propose moins de donner une solution complète et définitive du problème difficile qui a séduit le génie patient et investigateur de Darwin que d’en faire ressortir les points psychologiques les plus importants. Après une courte et intéressante introduction historique où l’on doit noter un parallèle piquant entre Lavater et Gall, il examine brièvement l’ouvrage du naturaliste anglais. Si l’on doit, dit-il, de la reconnaissance à Darwin pour la manière dont il a mis en évidence certains faits généraux, on ne peut méconnaître à quel point le principe de l’habitude — même combiné avec celui de la constitution des systèmes nerveux — est insuffisant pour en donner la clef, parce que l’habitude explique tout et, par suite, rien.

Pour M. Wundt les sentiments et les sensations semblables se relient entre eux. Déjà le langage, dans ses métaphores usuelles, nous montre qu’il en est ainsi. Nous disons : une dure nécessité, une douce mélodie, de noirs soucis, des peines amères, une sombre destinée. Ces images ont leur origine dans notre sensibilité. Nos organes de sens sont pourvus de muscles qui ont le double but de les disposer à faire le meilleur accueil aux excitations favorables ou à tenir à l’écart les agents nuisibles. La bouche prend une expression différente suivant que nous goûtons une liqueur sucrée ou que nous avalons une drogue amère. L’obscurité, une lumière trop vive, un jour tranquille, donnent tour à tour à la figure une physionomie nouvelle : l’une nous fait écarquiller les yeux, l’autre froncer le sourcil, la troisième imprime à notre visage un air de sérénité. De là il résulte que les sentiments agréables ou désagréables, la joie, le plaisir, l’estime, la crainte, la douleur, le mépris, sont manifestés par des contractions musculaires qui rappellent, d’un côté, l’action des saveurs et des odeurs flatteuses ou l’éclat d’une lumière tempérée, de l’autre, l’amertume, l’infection, les ténèbres ou l’aveuglement. Réciproquement l’expression fait naître le sentiment : l’acteur qui simule la colère ressent, pour ainsi dire, de la colère.

Sur le même principe repose un second genre d’expressions, c’est que nos idées, nos représentations sont accompagnées de gestes qui peuvent ainsi éveiller chez autrui les mêmes idées, les mêmes représentations[1].

J. D.

Pietro Siciliani.La critica nella filosofia zoologica del xix secolo, dialoghi. Napoli, A. Morano, 1876.

  1. Cette explication se trouve déjà dans Dumont, Théorie de la sensibilité, p. 251. — Voir, dans la Revue phil. de juin, p. 624, l’article de M. Delbœuf sur ce philosophe.