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NOTES ET DOCUMENTS


CAUSE ET VOLONTÉ


Pour tout observateur attentif des tendances philosophiques de l’époque actuelle, il est manifeste que parmi les doctrines de la philosophie de l’avenir l’une des plus solidement établies sera probablement celle-ci : la Cause et la Volonté peuvent en définitive être regardées comme identiques, les deux termes sont au fond synonymes, les deux idées ne sont en réalité que des aspects différents d’une seule et même série de faits d’expérience. Cependant quelques-uns des penseurs, dont le credo philosophique paraît conduire le plus directement à une doctrine de ce genre, semblent, par une circonstance étrange, répugner à pousser leurs théories jusqu’à la conclusion légitime. Au nombre des philosophes qui saisissent d’une manière imparfaite les véritables conséquences de quelques-unes de leurs principales doctrines, je suis obligé de compter, à mon grand regret, M. S. H. Lewes, un écrivain dont le récent ouvrage, « Problèmes de la vie et de l’esprit », doit être considéré par tous les juges compétents comme une des œuvres modernes les plus importantes pour le progrès de la vraie philosophie. Une des parties les plus claires, les plus fécondes et les plus convaincantes de ce livre est le problème V (Vol. II, p. 342-422) dans lequel l’auteur entreprend de prouver que cause est synonyme de force, et force synonyme de pression, et que ces deux concepts trouvent leur expression abstraite la plus intelligible dans le mot puissance (power). À la page 354 (vol. II) M. Lewes écrit : « Toute perception d’une chose existante implique l’idée corrélative d’une chose résistante, et notre conception d’un corps agissant sur un autre, déterminant un changement dans sa position, dérive de notre sentiment primitif des résistances que nous sommes capables de vaincre. Nous transportons notre expérience subjective au changement objectif, et nous voyons dans le corps agissant, un effort, dans le corps sur lequel l’action s’exerce, une résistance. Cet effort, qui est en nous une sensation motrice, devient dans l’objet une propriété de mouvement, etc. », Ainsi il apparaît, selon l’opinion d’ailleurs nettement exprimée par M. Lewes lui-même, que nous sommes obligés de chercher dans la sensation et dans les suites de la sensation tout ce qui est exprimé par force ou cause. Néanmoins notre auteur soutient ferme-