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henry.malebranche d’après des manuscrits inédits

à une puissance impaire semblable. Il montre que l’égalité de deux puissances paires à une puissance semblable se réduit à celle d’un bicarré égal à deux bicarrés. Enfin, il ramène ce cas à celui d’un carré égal à la somme ou à la différence de deux carrés, cas impossible suivant Fermat, « quia dato numero quovis integro non possunt dari infiniti in integris illo minores[1]. » Puis l’auteur ajoute aussitôt : « demonstrationem integram et fusius explicatam inserere margini vetat ipsius exiguitas », laissant deviner par les mots fusius explicatam que la fin de la démonstration n’était qu’un développement de sa dernière proposition.

Par cette seconde partie de son théorème, Fermat conduisait Malebranche au calcul différentiel, car, en montrant qu’un nombre entier est une somme finie de quantités dont les fractions sont négligeables, il entrait dans la même voie que Leibniz. On s’en convaincra si on relit la célèbre lettre dans laquelle ce dernier expose avec la plus grande sincérité l’origine de sa découverte et l’affinité de son calcul avec le triangle arithmétique de Pascal et les autres productions mathématiques du xviie siècle[2].

Fermat était aussi conduit à des conséquences philosophiques du plus haut intérêt, conséquences dont on retrouve plus d’une trace dans les écrits de son disciple[3]. Son théorème comme plusieurs autres de la théorie des nombres et comme le calcul différentiel, tel qu’il a été entendu par Leibniz, montre en effet, dans la croyance à la possibilité indéfinie de décomposer un objet, une illusion de la pensée, puisque le travail continu de la pensée (carrés) n’est qu’un nombre déterminé (deux) d’affirmations du même objet : il résout ainsi la célèbre antinomie du continu et de l’infini métaphysique, qui, par sa nature d’objet plus grand que tout objet donné, est soumis aux lois du calcul mathématique. Bien plus, si l’on considère que, d’après la règle de maxima et minima, le maximum et le minimum de deux variables en fonction l’une de l’autre sont des carrés, si l’on remarque que l’analyse des causes déterminantes d’une action est en tous points identique à la décomposition du carré, il résulte que l’acte n’est déterminé au fond que par lui-même, puisque les causes déterminantes sont de même nature que lui, équivalentes à lui.

En ce qui concerne la philosophie des mathématiques, nous citerons, à l’appui de notre affirmation, un fragment emprunté au ms. 24237 présentant identité complète d’écriture avec un autre fragment, dont nous le ferons suivre, emprunté au ms. 2535. Ce manuscrit est intitulé : Traité des sections coniques du marquis de l’Hospital avec additions du P. Malebranche.

  1. Diophante, annoté par Bachet de Méziriac et Fermat, p. 339.
  2. Gerhardt, Correspondance de Leibniz, t. II, p. 259. (Allemand).
  3. Cf. surtout, Méditations chrétiennes, IV, art. ii. — Recherche de la vérité, liv. I, ch. 6.