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séailles.l'esthétique de hartmann

stérile, qui prétend vainement déduire le monde des concepts vides d’une logique purement formelle. Il l’approuve de partir des faits, de reconnaître que toute vraie spéculation doit commencer par l’induction et s’achever par l’emploi de la réflexion rationnelle.


Du beau. — « Nous n’avons pas à nous préoccuper ici de la définition de la beauté, » dit l’auteur de la philosophie de l’Inconscient. Peut-être cependant est-il possible de prévoir déjà ce que sera cette définition. Pour déterminer la nature du beau nous suivrons la méthode qui a dirigé toutes nos recherches précédentes : nous nous efforcerons d’emprunter à l’idéalisme son profond sentiment de la beauté, à l’empirisme sa facilité à rendre compte des formes les plus diverses qu’elle peut revêtir. — Des esthéticiens, les uns soutiennent avec Platon que l’âme possède une idée innée de la beauté, qui appliquée à un objet déterminé en devient l’idéal. C’est en comparant à cet idéal les œuvres de la nature ou de l’art que nous jugeons ce qui est beau, ce qui ne l’est pas : le jugement esthétique est donc un jugement synthétique à priori. Les autres prétendent que l’idéal est une invention philosophique ; que l’artiste ne fait que retrancher la laideur, rassembler et combiner les éléments de beauté, qui se rencontrent isolément dans la nature ; qu’enfin nos jugements dépendent de conditions psychologiques qu’il est possible de déterminer scientifiquement, et non de la présence en nous d’un idéal mystérieux, d’une mesure singulière, capable de s’appliquer dans les cas les plus différents. — L’idéalisme est incapable de se concilier avec la réalité. Comment admettre que l’idéal est fixé une fois pour toutes, quand on considère les formes infiniment variées, que peut lui donner le génie des peuples ou des individus ? Comment affirmer qu’à chaque genre répond un type immuable, un éternel exemplaire, proposé à l’imitation de l’artiste, quand l’individu seul étant visible, le beau n’existe que dans le particulier le plus concret ? « L’idéal humain se divise en idéal de l’homme et en idéal de la femme ; et dans le premier il faut distinguer celui de l’enfant, de l’adolescent, du jeune homme, de l’homme, du vieillard ; et l’idéal de l’homme à son tour se répartit entre les types différents d’Hercule, d’Ulysse, de Jupiter, etc… L’idéal concret n’est donc plus un type unique, indéterminé, mais une multitude infinie de types très-déterminés. » — Si les platoniciens ont tort, est-ce à dire que les empiriques aient raison ? supposons leur œuvre achevée ; ils auront déterminé toutes les conditions psychologiques et physiologiques auxquelles il doit être satisfait pour que naisse le plaisir esthétique ; ils auront montré l’accord du beau avec les lois de la réalité, prouvé que la musique