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Si Lange bannit de la science la téléologie, au nom du grand principe du mécanisme, il ne peut davantage admettre la psychologie traditionnelle. Puisqu’il n’y a de vérifiable, de démontrable scientifiquement que les rapports mathématiques des phénomènes ; puisque tout, pour la science, se réduit au mouvement de la matière, il suit qu’il n’y a pas de science, à proprement parler, des faits psychologiques, c’est-à-dire des faits qui ont justement pour caractère essentiel, comme Descartes l’avait si bien entendu, d’échapper à l’étendue, de constituer l’antithèse du mouvement matériel. Kant n’était pas moins fortement pénétré de cette vérité, lorsqu’il disait, dans la préface de ses Principes métaphysiques de la science de la nature, que la psychologie est encore bien plus éloignée que la chimie du rang de science, parce qu’il n’y a de science que là où les objets de la pensée comportent des explications mathématiques, et se ramènent à l’étendue et au mouvement. Dans son Anthropologie, il faisait le procès aux vices incurables de la psychologie, à la méthode favorite de la plupart des psychologues, la méthode de l’observation directe par la conscience.

Lange reprend et développe les objections du père de la philosophie critique. Le chapitre où il analyse les défauts de la psychologie traditionnelle et les remèdes qu’il convient de leur opposer, est incontestablement un des plus instructifs du livre.

À l’exemple de Kant, il s’élève énergiquement tout d’abord contre la distinction consacrée du sens extérieur et du sens interne. « À quoi bon cette distinction du dedans et du dehors ? Je ne puis avoir aucune représentation en dehors de moi. Voir et penser sont aussi bien des faits internes que des faits externes… Il n’est pas bien difficile de voir que la nature de toute observation est la même. Il n’y a de différence entre les observations qu’en ce que les unes peuvent être faites avec nous ou recommencées après nous par nos semblables, tandis que les autres (celles que nous faisons directement sur nous-mêmes) échappent à cette appréciation, à ce contrôle. »

C’est surtout la méthode somatique, celle qui exige que « dans la recherche psychologique on se tienne autant que possible aux processus corporels, qui sont associés d’une manière indissoluble et régulière aux phénomènes psychiques » ; c’est la méthode ordinairement appliquée par les psychologues anglais de ces dernières années, par Herbert Spencer, par Bain et par Lewes, que Lange recommande comme la vraie méthode de la psychologie scientifique.

Il faut commencer par abandonner toutes les spéculations de l’ancienne psychologie sur la nature de l’âme. Le psychologue doit ignorer l’existence de l’âme. Que dirait-on d’un physicien qui