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REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE

définition de Brahma que nous fournissent ces ouvrages. Nous avons à faire la même remarque sur le mot âtman, autre synonyme de sad, d’un emploi très-fréquent, qui désigne également Brahma considéré comme l’âme ou la conscience de l’univers.

Ainsi que nous le verrons par les textes que nous appellerons tout à l’heure en témoignage, l’être tel que le concevaient les auteurs des plus anciennes Upanishads n’est autre chose que l’absolu contenant le relatif en puissance et lui donnant naissance à l’occasion. Aussi, l’idée qu’ils en avaient formée était-elle surtout métaphysique et abstraite. Dans l’état actuel de nos connaissances, il serait difficile de dire si cette conception repose sur des bases mythiques et traditionnelles ou si elle résulte uniquement des efforts de l’esprit cherchant à résoudre les problèmes transcendants. Mais quelle qu’en ait été la genèse, il semble certain que le raisonnement est intervenu dans une certaine mesure pour la justifier, la confirmer et l’achever. En d’autres termes, quand la notion du parfait et de l’absolu a résumé pour les premiers philosophes de l’Inde une cause suprême et générale d’où découlent tous les effets particuliers, la logique les a conduits à se représenter cet absolu comme doué d’une nature tout à la fois extra-sensible et intelligente, c’est-à-dire spirituelle. Ils n’avaient pas besoin, en effet, de connaître plus de physique que n’en enseigne l’expérience commune, pour remarquer que l’idée de matière telle qu’elle se présente à nous dans ses manifestations est contradictoire avec celle d’absolu. Un autre fait du domaine de l’expérience contribua à fixer leur théorie à cet égard et vint leur présenter une analogie qui lui servit de base. Le souffle vital qui, principalement pour les hommes chez lesquels la médecine n’est pas née ou chez lesquels elle est encore dans l’enfance, constitue le signe le plus caractéristique de la vie, et surtout de la vie des êtres intelligents, leur parut, représenter une émanation ou une parcelle de l’être absolu qui anime sous une forme insensible tous les êtres que les sens nous font connaître. Aussi identifièrent-ils à l’être absolu le souffle vital, ou le prâna, considéré, non pas dans sa distribution entre les créatures animées, mais dans son ensemble et comme l’invisible réceptacle où les êtres puisent et exhalent le principe qui leur donne l’intelligence, la sensibilité et le mouvement.

Les passages des anciennes Upanishads où l’être est représenté comme absolu et inaccessible aux sens, dont il est toutefois le promoteur et la base, sont nombreux. Nous ne citerons que quelques-uns des plus caractéristiques. Nous lisons, par exemple, dans la Brihad Âranyaka IV, 4, 18-20 :