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ANALYSES. — gœring.Ueber die menschliche Freiheit.

cause éloignée et suffisante. Dans ce cas, il dépend des objets comme la volonté, il n’est libre qu’autant qu’il ne poursuit aucun but. La liberté de choisir, grâce à laquelle le sujet se décide à agir ou à s’abstenir, est un cas particulier de cette liberté de l’entendement. Si le sujet décide de s’abstenir, alors se présente cette liberté générale, qui existe dans le domaine subjectif de la pensée et de l’intelligence. Sans doute on ne peut entendre cette liberté au sens populaire, s’imaginer « qu’on peut penser ce qu’on veut, » et se représenter une sorte d’empire du sujet sur le cours de ses pensées, en concevant le sujet comme un être en dehors et au-dessus de la pensée. Ce qu’il faut entendre par cette liberté de la pensée, c’est que la pensée n’est soumise à aucune contrainte extérieure, c’est qu’elle ne dépend d’aucun facteur étranger, et que par suite les fonctions de cette pensée libre s’accomplissent sous les rapports et dans les conditions qui lui sont propres. Conformément à ces vues, la liberté du sujet consiste en ce qu’il n’est poussé ou contraint à agir ni par sa volonté ni par son entendement, en ce qu’aucun motif d’action n’est donné, en face des objets, qui restent tous indifférents. C’est la parc faite indifférence de l’entendement et de la volonté, indifferentia arbitrii et voluntatis. Les indéterministes ont raison de s’appuyer sur cet équilibre absolu, en ce que la liberté du sujet, qu’ils soutiennent, existe réellement ; ils ont tort quand ils transportent cette absence de motifs dans le domaine du vouloir et de l’action[1]. Cette liberté d’indifférence peut être d’une très-grande importance, quand il s’agit de se déterminer à l’action ou à l’abstention, dans les cas où il y a un choix à faire entre plusieurs actions. Ceci nous conduit du domaine subjectif au domaine objectif, de la question de la liberté à la question de la responsabilité. »

La responsabilité (Die Zurechnungsfahigkeit). — Une action est bonne, mauvaise ou indifférente, qu’elle puisse être imputée ou non à l’individu. Le problème de l’imputation des actes doit donc être traité indépendamment de leur appréciation morale. Nous avons vu que les concepts de possibilité et de nécessité ne sont pas applicables à un acte accompli, qui fait partie de la réalité. Il n’y a donc pas plus liberté de l’acte que liberté du vouloir, parce que dans les deux cas, il y a dépendance des objets. « Il y a liberté là seulement où il n’y a ni volonté ni action ; mais où il n’y a pas action, il n’y a pas imputation. Où il y a liberté, il n’y a aucune place pour l’imputation ; mais où il y a imputation, la liberté est toujours supposée comme condition négative. Or, la liberté, ne se laisse unir avec l’action que si l’on suppose que le sujet avant l’acte a été libre dans sa résolution, c’est à-dire n’a pas été contraint par des circonstances extérieures, étran-

  1. Toute la question serait de savoir si nous pouvons produire cet équilibre par un effort personnel, en un mot, prendre possession de nous-même. Ce problème ne pourrait être résolu que par l’intuition de la conscience, que l’auteur a déclarée impuissante : voir à la fin la critique.