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analyses.jacoby. Die Idee der Entwickelung.

nisation du travail par l’État : l’auteur ne discute pas un seul instant les résultats possibles de la coopération et des associations individuelles ; il ne connaît que son système. Le malheur vient de ce que le capital est le détenteur des machines, d’où il suit qu’il impose ses volontés et que le travailleur est l’esclave de la machine au lieu de l’avoir pour esclave. Donc il faut, suivant notre auteur, que l’État devienne le maître des machines, et c’est vers cette transformation que tend la société actuelle. Alors l’extension de l’emploi des machines partout multipliées diminuant le travail mécanique de l’homme entraînera une diminution graduelle des heures de travail. La conséquence finale de cette organisation future de l’humanité, ce sera d’augmenter la part d’activité intellectuelle des individus, et par suite d’agrandir le domaine du beau et de l’art dans l’État. Le développement continu de la raison universelle, l’exhaussement des intelligences produit par l’effort sans cesse plus considérable de l’individu presque affranchi de tout travail mécanique et par la diffusion de l’instruction, amèneront une sorte de nivellement des esprits qui sera l’égalité de tous dans la science et la conscience universelle. Ce que des générations ont mis des siècles à inventer et à produire dans l’ordre intellectuel, un individu par l’éducation l’apprend en quelques années : ainsi, grâce à cette forme nouvelle des sociétés, les esprits les plus arriérés pourront se mettre au niveau des plus avancés.

Au terme de cette évolution sociale de l’humanité apparaissent donc l’égalité parfaite et la philanthropie universelle. La conscience de l’univers ne se réalisera pas dans un seul individu supérieur, ni ; dans un concile aristocratique, comme l’imagine M. Renan ; l’humanité tout entière partagera cette félicité finale. Haut les cœurs et les espérances ! « Les hommes, issus du règne animal, doivent devenir des dieux. Die Menschen stâmmen von Thieren ab und muessen zu Goettern werden. »

Il serait oiseux d’arrêter le lecteur aux objections que soulève le simple exposé d’inductions aussi hasardeuses et lointaines. Il nous semble préférable, tout en faisant des réserves expresses sur les voies et moyens préconisés par l’auteur, d’insister sur le caractère de poétique grandeur dont cette conception peut-être illusoire est empreinte. Un tel idéal convient bien à cette race de philosophes qui, à l’exemple de notre grand Descartes, croient au progrès de la pensée humaine et à l’avenir des découvertes scientifiques ; dans cet ordre de rêves il est permis à tout esprit spéculatif de ne sacrifier à aucun degré des espérances si élevées, si désintéressées.

II. La seconde partie de cet ouvrage nous transporte en pleine métaphysique. L’auteur se propose d’établir que l’univers dans son immensité est une seule et même chose, un Être simple dont les manifestations, étrangères à toute intention réfléchie, à toute finalité, sont cependant gouvernées par les lois de la raison. Le terme idéal et nécessaire de cette vie universelle et divine du grand Tout, c’est l’organisation de