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Th. ribot.durée des actes psychiques

dant les différences de durée sont-elles dues à une différence d’intensité dans la cause objective. Pour résoudre ce problème, il faut ramener les sensations comparées, à ce point où elles atteignent le « seuil de l’excitation, » le minimum perceptible[1] ; car là elles sont toutes égales pour la conscience. En partant donc du minimum perceptible, Wundt a obtenu les chiffres suivants, comme résultat moyen de 24 observations.

Son 0,337 0,0501 (variation moyenne)
Lumière 0,331 0,0577
Tact 0,327 0,0324

Il en conclut que, les conditions de transmission nerveuse restant les mêmes, « la durée de la perception et de la réaction est constante quand l’excitation est à son minimum. » L’expérience lui a montré de plus que le temps physiologique diminue, à mesure que l’intensité de l’excitation augmente. À l’aide de deux instruments différents qui consistent principalement, l’un en une boule de 15 grammes tombant sur une planchette, l’autre en un marteau électro-magnétique, il constate qu’en faisant varier la hauteur de la boule et du marteau et par conséquent l’intensité du son que produit leur chute, on obtient ce qui suit :

Hauteur de la boule Temps Hauteur du marteau Temps
0m02 0,161 01 mill. 0,217
0,05 0,176 04 mill. 0,146
0,25 0,159 08 mill. 0,132
0,55 0,094 16 mill. 0,135

Ces deux séries d’expériences montrent assez clairement le rapport inverse, exprimé plus haut, entre l’intensité de l’excitation et le temps physiologique. Il y a sans doute à tenir lieu ici du fait de la transmission nerveuse. Elle augmente avec l’intensité de l’excitation ; mais la quantité dont elle augmente est si faible, comparée à la durée totale du temps physiologique, qu’il faut bien porter la différence au compte de la perception et de la réaction.

Comment le temps physiologique se divise-t-il ici entre la perception et la réaction ? Il est difficile de le dire. Les conditions de l’expérience jettent cependant quelque jour sur la question. Dans le cas où elles se font avec le minimum perceptible, on constate en soi-même, au moins dans plusieurs cas, un état de doute qui a une certaine durée ; on se demande avec indécision si une impression a eu réellement lieu et l’on sent clairement que cet état d’indécision prend

  1. Cette expression de seuil de l’excitation (Reizschwelle), fort en usage dans la psychologie allemande contemporaine, est due à Herbart et à Fechner.