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liard.notions d’espèce et de genre

ne saurait, en fait, établir entre les espèces et les genres des rapports d’inclusion semblables à ceux qui font tenir des lois physiques dans des lois plus générales. Soient deux phénomènes a et c, unis par un rapport constant ; soient deux autres phénomènes, b et d, distincts des premiers, et unis, eux aussi, par un rapport invariable. Ce sont là deux couples hétérogènes de faits, que je ne puis, à première vue, fondre en une même pensée. Mais une observation plus complète de la nature m’apprend que ces faits sont des cas particuliers de phénomènes plus généraux. Dès lors, je substitue aux deux formules qui expriment les lois propres à chacun de ces couples, une formule unique qui énonce la loi commune aux deux. Dans cette réduction, j’ai nécessairement omis quelques-uns des éléments spéciaux des lois obtenues les premières ; pourtant elles n’en sont pas moins réellement contenues dans la formule générale. C’est que celle-ci énonce un rapport entre des termes indéterminés, et que pour en faire sortir les lois moins générales qui y sont contenues en puissance, il suffira de déterminer ces termes. Je dis par exemple : tous les corps s’attirent en raison directe des masses, et en raison inverse du carré des distances. Cette formule énonce un rapport déterminé entre deux termes indéterminés : quelles que soient les masses, quelles que soient les distances de deux ou plusieurs corps mis en présence, l’attraction de l’un à l’autre aura lieu en raison directe des premières et en raison inverse du carré des secondes. Pour passer de cette formule aux lois moins étendues qu’elle contient, il faut uniquement déterminer ce qui en elle est laissé à l’état d’indétermination : les masses et les distances. C’est ainsi que la loi de la gravitation universelle est une synthèse de la loi de la chute des corps à la surface de la terre, et des révolutions des planètes autour du soleil ; c’est ainsi qu’elle enveloppe peut-être la loi encore inconnue des mouvements moléculaires et atomiques. Réduire plusieurs lois à une loi plus générale, c’est donc, semble-t-il, faire évanouir la matière propre à chacune d’elles et n’en conserver que la forme commune.

Mais cet évanouissement n’est qu’apparent. Kepler découvre la loi des révolutions planétaires, Galilée celle de la chute des graves ; Newton ramène ces lois à la formule unique de la gravitation universelle. En quoi les deux lois synthétisées diffèrent-elles l’une de

    homogènes, et que l’on peut, par suite, composer et décomposer par le seul entendement. Ainsi, l’équation générale des courbes du second degré est un genre dont les espèces sont le cercle, l’ellipse, la parabole, etc. Pour passer de ce genre aux espèces qu’il contient, il n’est pas besoin d’une intuition spéciale ; il suffit de déterminer certaines quantités laissées indéterminées dans l’équation générale.