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REVUE POUR LES FRANÇAIS

en s’inspirant des exemples de Louis XIV. En une page saisissante, Seeley oppose l’état d’esprit du roi et celui des sujets : ceux-ci, enfermés dans les horizons étroits et brumeux des querelles idéologiques et des méfiances insulaires, celui-là captivé, ébloui par l’éclat de la monarchie française qui rayonne sur tout le continent. Cette monarchie était encore basée sur l’édit de Henri IV et sur la pratique d’une sage tolérance. Mais, d’autre part, Charles II savait « que le courant de la pensée européenne se dirigeait vers le catholicisme ; » il voyait le parti huguenot décliner en France, l’illustre Turenne abjurer de son plein gré, Port-Royal enfin réaliser au sein du catholicisme cette austérité grave dont le protestantisme se prétendait seul capable. De tout cela, les Anglais ne retenaient rien ; leur roi rêvait d’un régime où tous les cultes s’associeraient pour contribuer à la gloire de sa couronne ; eux ne voyaient que l’éternel papisme dont Henri VIII et Élisabeth leur avaient inoculé l’effroi. Ce rapprochement d’avec les monarchies continentales, cette rentrée en Europe, ils n’en voulaient à aucun prix. Inconsciemment leur insularisme s’insurgeait et l’impopularité de Charles s’augmentait de la popularité posthume de cette Élisabeth à laquelle il ressemblait si peu.

Bien que lui-même catholique, on ne saurait dire que Jacques II ait voulu établir dans son royaume la suprématie catholique ; il souhaitait seulement lui assurer des droits égaux à ceux des autres églises. Mais rien n’indiquait qu’il eût renoncé à se prévaloir, à l’occasion, des stipulations imprudentes de ce traité de Douvres signé par son frère en 1670 et dont les articles, tenus trop peu secrets, contenaient une promesse d’appui de la France pour l’établissement de la monarchie autoritaire en Angleterre. Jacques II, plus encore que Charles II, admirait Louis XIV et son admiration croissait à mesure qu’elle était moins justifiée ; Louis XIV, en effet, l’année même de l’avènement de Jacques, avait révoqué l’Édit de Nantes, organisé les Dragonades et multiplié les preuves de sa violence et de son fanatique orgueil. Jacques était son humble disciple bien plus que celui du Pape. Non seulement Innocent II qui régnait alors mais l’empereur et le roi d’Espagne lui-même étaient enclins à la tolérance ; Rome craignait par dessus tout le catholicisme insolent et quasi schismatique de Louis XIV. C’est ainsi que, chose bien étrange, l’expédition de Guillaume fut élaborée dans des pourparlers auxquels prirent part non seulement les États de Hollande et la ville d’Amsterdam mais encore le