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REVUE POUR LES FRANÇAIS

l’empire d’Orient achevait de se « délatiniser » ; en s’hellénisant, il s’éloignait aussi des doctrines et des tendances catholiques. Les empereurs, de plus en plus, agissaient en autocrates, se mêlaient aux controverses théologiques et y intervenaient de façon brutale et sans appel. Par ailleurs, leur administration se faisait exigeante et tracassière. Les Italiens et les Africains étaient accablés d’impôts ; en Gaule et en Espagne, les intrigues se nouaient contre les gouvernements locaux dont les représentants de l’empire surveillaient d’un œil inquiet et jaloux l’incessant progrès. La conversion des Wisigoths d’Espagne (587) et en France l’affermissement du pouvoir des princes mérovingiens achevèrent de détacher ces deux pays et de les pousser vers l’indépendance absolue. Dès alors la papauté manifestait envers les Francs une vive sympathie, prête à s’appuyer sur eux en cas de besoin — sans pour cela vouloir rompre avec Constantinople. Malgré que plusieurs papes aient été en butte aux persécutions d’un pouvoir qui cherchait à humilier « l’évêque de Rome » dans le but de maintenir la suprématie du siège patriarcal de Constantinople, l’espoir que des temps meilleurs luiraient et qu’il serait possible d’unifier un jour l’Église donnait aux successeurs de saint Pierre la constance nécessaire pour supporter les affronts. Pendant plusieurs siècles encore, on les verra maintenir envers et contre tous leurs rapports avec les empereurs byzantins, leur envoyer des ambassades, leur rendre des honneurs, faire appel à eux. Mais en attendant, il fallait vivre, se défendre et défendre l’Italie tout entière contre la tyrannie lombarde ; de là les relations soigneusement entretenues entre le Saint-Siège et les royaumes Francs.

Ces relations se précisèrent après que le vaillant Charles-Martel eut remporté sur les musulmans la fameuse victoire de Poitiers. Il apparut en cette circonstance comme le soldat de Dieu et le défenseur de la chrétienté ; le retentissement causé par cet événement dans tout l’Occident fut énorme. Avec Pépin le Bref, la monarchie franque grandit singulièrement et c’est alors que l’on vit le pape Eugène ii apporter lui-même à ce prince les insignes du patriciat romain — titre honorifique d’ailleurs et sans portée réelle, sinon qu’il donnait à celui qui s’en trouvait investi des facilités pour intervenir en Italie. Pépin, sollicité de protéger Rome contre les Lombards leur reprit l’exarchat de Ravenne et, au lieu de le rendre au Pape au même titre que les autres domaines que celui-ci administrait en Sicile, en Italie, et même en Afrique