Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 53.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ANALYSES. E. FOURNIËRE..E’SS<M SM.)’ r !Md~td’’MC6Hs ?ne 99 soient fixés et limités par le déterminisme universel, il n’existe d’autre obstacle à leur liberté, c’est-à-dire au jeu normal pour la satisfaction des besoins, que ceux qu’ils ont eux-mêmes établis ou laissé établir par leurs semblables. On peut donc dire que l’individu n’est pas libre au regard de l’univers, mais qu’il l’est, ou le peut devenir, au regard de ses semblables » (p. 7).

M. Fournière montre avec une logique très sûre que l’individualisme métaphysique, poussé à bout dans ses trois catégories économique, politique et morale, est destructeur de l’individu et qu’il est par suite sa propre négation.

Tel n’est pas l’individualisme réel. « Cet individualisme-là ne peut plus être opposé à une conception sociale dont le but est d’assurer aux individus en société leurs moyens de jouissance et de développement. » (p. 11). C’est cet individualisme réel que va développer M. F. et dont il va montrer l’identité avec le socialisme.

M. F. part de ce principe que l’individu n’est pas fait pour la société, mais la société pour l’individu. « La société n’a pas de buts propres, particuliers et conscients, en tant qu’être en soi. Mais en eût-elle, fûtelle non un être de raison, mais un être réel, autonome, poursuivant ses fins particulières, c’est toujours à nous que nous rapporterions et la société et ses fins s (p. 16).

Si l’on se demande maintenant ce qu’est le bien de l’individu, on voit qu’il ne peut consister dans l’isolement, mais, comme l’a vu Guyau, dans la multiplication des points de contact de l’individu avec ses semblables. « L’individu est autonome en un certain sens ; mais il n’existe et ne constate son autonomie personnelle que par son contact et ses relations avec ce qui l’entoure, choses et individus. Sans eux, il serait un point dans le vide, un point qui s’ignorerait» (p. 19).

Nous cherchons tous notre bien individuel et chacun conçoit son bien à sa façon. Mais en dépit de ces divergences individuelles, on peut rechercher en quoi consistent pour tous les hommes les conditions élémentaires de leur bien. Ces conditions sont au nombre de deux. La première condition est la nutrition et ainsi la question alimentaire est fondamentale pour tout individu. Si l’individu trouve son bien dans la nutrition, l’espèce trouve le sien dans l’acte de reproduction. Or, l’individu étant, d’après M. Fournière, inséparable de l’espèce, se reproduire est réellement un bien pour l’individu autant que pour l’espèce. Comment, dans l’état de société, ces biens manger, se reproduire, seront-ils mis à la portée de chaque individu ? C’est là le problème à examiner.

M. Fournière y répond dans son chapitre intitulé : La lutte et la coopération. Car tels sont pour lui les deux moteurs du mécanisme par lequel les individus se procurent la satisfaction de leurs besoins fondamentaux. Pour se procurer les biens indispensables, l’homme doit vaincre des forces extérieures hostiles et pour cela il doit compter avec et sur ses semblables qui lui sont à la fois des concurrents et des auxi-