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ANALYSES. – mach. La connaissance et l’erreur 197


objectif de la nature, tandis que les unes et les autres n’expriment en réalité que notre besoin d’ordre et d’économie dans la pensée. Aussi n’est-ce pas dans les choses, mais seulement dans la théorie qu’on peut trouver l’exactitude absolue. < Une proposition scientifique n’a jamais que le sens hypothétique suivant Si le fait A correspond exactement aux concepts M, la conséquence B correspond exactement aux concepts N [et si A ne correspond qu’approximativement à M], B correspond aussi exactement à N que A à M*. » (377)

Cette conception déprécie-t-elle les lois scientifiques ? Nullement. Elle nous montre, dans la détermination univoque des conséquences d’un système donné, un type idéal qui oriente notre recherche et dont nous pouvons sans aucun doute nous rapprocher indéfiniment. Si, à la manière du savant, on ne voit pas dans l’homme, envisagé au point de vue psychique, un étranger isolé en face de la nature ; mais si on voit en lui une partie de la nature, si on considère le monde physique sensible et le monde des idées comme formant un tout inséparable, on ne s’étonne pas que le tout ne puisse être épuisé par la partie, mais les règles trouvées dans la partie permettront de conjecturer les règles du tout. )’ (381).– « Si le moi n’est pas une monade isolée du monde, mais s’il est une partie du monde, et noyé dans son courant, s’il en est issu et s’il est prêt à s’y diffuser de nouveau, nous ne devons plus être enclins à envisager le monde comme quelque chose d’inconnaissable. Nous sommes nous-mêmes assez près de nous et assez proches parents des autres parties du monde pour oser espérer une science réelle. (386). Et le jour, proche peut-être, où cette science sera assez avancée pour remplacer l’ancienne adaptation hésitante et instinctive par une adaptation méthodique, plus rapide et nettement consciente, ce n’est pas seulement un idéal d’ordre intellectuel, mais un idéal d’ordre moral qu’elle nous permettra de réaliser < : Si jamais nous y parvenons, nul ne pourra plus dire que cet ordre n’est pas de ce monde, et nul n’aura plus besoin de le chercher à des hauteurs où à des profondeurs mystiques (388). Une grande objection semble se présenter quand on envisage l’ensemble de cette doctrine ne forme-t-elle pas un cercle vicieux ? Se placer sur le terrain de la biologie pour construire la philosophie des sciences équivaut à postuler -tout d’abord la représentation des choses telle que la science la construit, ou travaille à la construire on l’érige ainsi, au point de départ, en une sorte de monde réel ;


1. J’ajoute ce qui est entre crochets pour suivre l’ordre de la phrase allemande et pour rendre l’expression plus claire. Mais cette idée même aurait besoin de restrictions en quels cas la différence aux effets est-elle proportionnelle à la différence aux causes ? Pour un équilibre instable, par exemple, la moindre inadéquation du fait A au concept M entraine non pas une déviation légère, mais un renversement total des effets. Ces cas sont rares sans doute, mais il y aurait lieu de faire la théorie de leur élimination, déjà esquissée dans ~eHsM)’~ de M. Poincaré.