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REVUE PHILOSOPHIQUE

blème plus vaste et qui se pourrait formuler ainsi : Y a-t-il accord possible entre les hommes qui espèrent le triomphe « terrestre » de l’Église et ceux qui vivent le Royaume en sa signification absolue ? Et, sans doute à travers tout son livre le P. Laberthonnière affirme qu’un tel accord anéantirait la Religion, laquelle n’est pas et ne peut être terrestre ». Mais de si hautes questions comporteraient une synthèse objective et théorique, que le P. Laberthonnière nous doit. Il serait ainsi amené à construire une métaphysique mystique, où le problème de la destinée du christianisme et la notion même de la grâce se trouveraient impliqués.

Jean Baruzi.


Alexandra David. Le Modernisme bouddhiste et le bouddhisme du Bouddha. Paris, F. Alcan, 1911, 280 p. 

Ce que semble promettre le titre de cet ouvrage, c’est une étude sur les efforts divers et très mal connus, par lesquels, dans l’Inde, au Japon, en Chine, en Europe même, de nombreux penseurs bouddhistes tentent de donner à la doctrine traditionnelle un sens de plus en plus vivant. Une étude de cette sorte serait très précieuse. Puisqu’il y a un modernisme bouddhiste, il importerait, en effet, que nous fussent décrits avec quelque détail l’œuvre des hommes qui le représentent, le caractère de leur talent et de leurs physionomies, les multiples aspects de leurs recherches et de leur apologétique. Si le livre de Mme Alexandra David laisse une impression un peu décevante, c’est sans doute parce que l’on s’était d’abord attendu à ce qu’un tel sujet y fût traité. Et, en voyant qu’à cet égard tout se réduit à des indications disséminées et à quelques citations d’auteurs hindous et japonais contemporains, on éprouve un très vif regret ; et cela d’autant plus sincèrement que l’on devine chez Mme David une information abondante, très personnelle et très directe.

Que ce livre résulte d’impressions immédiatement éprouvées, voilà, d’ailleurs, ce qui le situe et lui donne son accent. Il ne prétend pas apporter des arguments inconnus, ni permettre de nouveaux éléments de discussion ; mais, dans son commentaire, il va en quelque sorte du dedans au dehors, et la doctrine qu’il expose a été vécue avant d’être formulée. Une peinture de la vie du Bouddha, puis des pages sur les Quatre Vérités, le Nirvâna et le Karma sont de la sorte animées et rendues plus persuasives.

Un postulat est impliqué par tout l’ouvrage : c’est celui de l’absolue conformité du Bouddhisme originel et du Bouddhisme moderniste (p. 6 et passim). Celui-ci ne serait qu’un retour, et ne ferait que ressaisir, par delà les spéculations et les superstitions qui la déformèrent, une pensée encore accessible. Présenter le Bouddhisme comme