Page:Ricardo - Œuvres complètes, Collection des principaux économistes,13.djvu/237

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échappé à la taxe. Quant au propriétaire, il a tout intérêt à voir taxer les profits de sa ferme, car c’est seulement à cette condition qu’il peut se soustraire à l’impôt. Un impôt sur les profits du capital affecterait aussi le capitaliste, dans le cas où toutes les denrées hausseraient à proportion de l’impôt ; mais si, par le changement de la valeur de l’argent, toutes les denrées descendaient à leur ancien prix, le capitaliste ne contribuerait pour rien à l’impôt ; il achèterait tous les objets de sa consommation au même prix, mais ses fonds continueraient à lui rapporter les mêmes intérêts en argent.

Si l’on convient qu’en imposant les profits d’un seul manufacturier, il doit élever le prix de sa marchandise, afin de se trouver de niveau avec tous les autres manufacturiers, et qu’en imposant les profits de deux manufacturiers, le prix des marchandises de chacun doit hausser, je ne conçois pas comment on peut douter qu’un impôt mis sur les profits de tous les manufacturiers doive faire hausser le prix de toutes les marchandises, pourvu que la mine qui fournit les métaux précieux se trouve dans le pays imposé. Mais comme l’argent ou les métaux précieux dont le numéraire est fabriqué sont une marchandise importée de l’étranger, les prix de toutes les marchandises ne pourraient pas hausser ; car un tel effet ne peut avoir lieu sans un surcroît d’argent[1] qu’on ne pourrait obtenir en échange de marchandises chères, ainsi que nous l’avons déjà démontré. Si cependant une telle hausse pouvait s’opérer, elle ne saurait être permanente, car elle aurait une puissante influence sur le commerce étranger. En échange des marchandises importées, nous ne pourrions pas exporter des marchandises renchéries, et par consé-

  1. De plus longues réflexions me font douter de la nécessité où l’on se trouverait d’avoir plus d’argent pour desservir la circulation de la même somme de marchandises, dans le cas où les prix hausseraient par l’impôt et non par les difficultés de la production. Supposons qu’à une certaine époque, en un certain lieu, 100,000 quarters de blé se vendent à raison de 4 l. par quartier, et que, par suite d’une contribution directe de 8 sch, le prix s’élève à 4 l. 8 sh., je crois que la même masse de numéraire suffirait dans les deux cas. Ainsi, si j’achetais auparavant 11 quarters à 4 l., et que le poids de la taxe me forçât de réduire ma consommation à 10 quarters, il me faudrait la même somme de numéraire, uniquement, car dans tous les cas je paierais 44 l. pour mon blé. La nation consommerait en réalité un onzième de moins, et ce onzième irait augmenter la consommation du gouvernement. L’argent serait prélevé par l’État sur le fermier, mais celui-ci retrouverait les 8 sch. dans la vente de son blé. Aussi cette taxe est-elle réellement une taxe en nature, et n’exige-t-elle aucun excédant de numéraire ; — du moins, cet excédant est-il si faible qu’on peut le négliger sans crainte.