Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/101

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nous est bien difficile, à nous, hommes du monde, de nous faire une idée juste de la foi qui anime ceux qui vouent leur vie à l’enseignement chrétien, et particulièrement le missionnaire catholique.

Livrés que nous sommes tout entiers à la lutte pour l’existence, absorbés et comme enfouis dans les mille détails qui composent les voies et les moyens par lesquels nous pouvons satisfaire nos besoins et nos plaisirs, nous ne comprenons pas ou nous perdons de vue les motifs qui font agir les missionnaires, l’esprit qui les remplit et les dirige. Cet « immense égoïsme, » que Parkman attribue à Le Loutre, très souvent applicable à nous-mêmes, ne peut guère être vrai de ces derniers. Celui qui, comme Le Loutre, avait abandonné fortune, plaisirs, parents, amis, patrie, pour venir passer sa vie au fond des bois, avec des barbares cruels et grossiers, celui qui s’imposait des privations de tout genre, devant lesquels l’homme le plus dévoué recule d’épouvante et de dégoût, et tout cela pour évangéliser des sau-

    se montrer doux, coulant, faible, quand le salut d’un peuple est en cause, que l’on veut attenter à sa foi et à son immortelle religion ; ce n’est pas non plus être tolérant, dans le sens véritable du mot, car c’est permettre que l’erreur doctrinale, mal suprême, s’instaure dans les esprits et corrompe les cœurs. Tolérer pareille chose est toujours une cruelle lâcheté, d’autant plus odieuse que l’on est appelé, par vocation, à défendre la vraie foi. Les véritables intolérants sont les sectaires, qui, comme le Roi de la Grande Bretagne (voir ses Instructions à Cornwallis), comme Shirley, comme tous les Anglais d’alors, en Acadie et en Grande-Bretagne, voulaient séduire les Acadiens et les faire passer au protestantisme. De même que ces hérétiques avaient perdu l’esprit chrétien, ils avaient faussé la véritable notion de tolérance. Foi, christianisme, tolérance, — toutes choses qui se tiennent et s’enchaînent intimement, à la condition qu’on les entende comme elles doivent être entendues, cela se trouvait chez les missionnaires, qui, comme Le Loutre, surent tout braver, même les critiques et l’incompréhension de leurs propres compatriotes, pour rester fidèles à leur mission de lumière et de vérité.