Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/79

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tir de ce moment, ils cessèrent de faire entendre des réclamations. On leur avait dit : « Prêtez serment ou allez-vous en. » En définitive, il n’y avait pour eux d’autre alternative que de rester sous le bon plaisir du gouverneur ou de partir sans permission. Ils demeurèrent paisiblement sur leurs propriétés jusqu’au temps de la déportation. Ceux qui avaient choisi d’émigrer du côté des Français l’avaient déjà fait, pour le plus grand nombre, l’automne précédent, après la proclamation de Cornwallis[1].

La politique de Cornwallis à l’égard des Acadiens, outre qu’elle fut injuste, ne pouvait être plus maladroite qu’elle ne l’avait été, dès l’arrivée de ce gouverneur dans le pays. Il avait devant lui une population morale et paisible, de laquelle il pouvait espérer l’assistance et la soumission la plus

  1. Cf. A. C. 1887, p. CCCXLVI. Desherbiers & Prévost au ministre… « Établissement de 7 chefs de familles acadiennes en l’Ile Royale ; d’autres devront suivre… Il y en a aussi de Beaubassin qui se sont retirés à l’Île Saint Jean. » (Aug. 15. Louisbourg, 1749. Fol. 10, 7 pages).

    1750, Oct. 15, Louisbourg. M. Prévost au ministre. Return of the provisions and stores for the feeding and clothing of troops and of 2000 new inhabitants from Acadia who have taken refuge at Île St. Jean. P. CCCLII des A. C. pour 1887.

    « D’où pouvait venir ce changement subit dans le ton et dans les propositions de Cornwallis ?… Peut-être cherchait-il à gagner du temps par de bonnes paroles, ainsi que l’avait pratiqué Philipps. » Rameau, p. 144-5.

    « La réponse du gouv. Cornwallis contenait deux aveux qu’il est très important de noter, parce qu’ils sont une confirmation du traité d’Utrecht. D’abord, il reconnaissait pleinement le droit qu’avaient les Acadiens de quitter la Province ; ensuite, il engageait sa parole de les laisser partir dès le premier moment favorable. » — Casgrain, p. 89.

    Mais Casgrain a dû voir pourtant que « ce premier moment favorable », dans la bouche de Cornwallis, n’était qu’un procédé dilatoire, un prétexte pour gagner du temps et pour éluder finalement la question. Et il l’a vu en effet, puisqu’il ajoute : « Les Acadiens ne se faisaient guère illusion sur cette dernière condition. » Casgrain attache peut-être un trop grand prix à ces « deux aveux » de Cornwallis, lesquels n’étaient au fond que de la rouerie.