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Tant que les catholiques et les protestants luttèrent, chacun dans leur sphère, à qui l’emporterait et finirait par avoir la domination, il y eut de fréquents complots et un état de constant malaise, aggravé par d’injustifiables violences. La tourmente passée, ces choses cessèrent peu à peu ; mais il resta dans l’esprit des maîtres l’idée bien arrêtée que la minorité continuait à comploter, tandis qu’en fait s’il y avait complot, c’était le plus souvent du côté du vainqueur, en vue d’écraser ceux qu’il avait conquis. L’esprit humain est ainsi fait, qu’il tombe presque toujours dans des extrêmes sur les questions de cet ordre. Ou l’on dort paisiblement lorsque l’ennemi ou l’adversaire ourdit ses trames ; ou, au contraire, en proie à une agitation morbide, l’imagination se peuple de fantômes et prend pour des dangers réels ses propres chimères. C’est ainsi que les gouverneurs voyaient dans de pauvres prêtres des conspirateurs à gages, menaçant la sûreté de l’état.

Examinons donc un peu le champ sur lequel l’influence des missionnaires pouvait s’exercer, et voyons de près ces « affreuses » machinations que leur prêtait l’autorité. Il y avait d’abord la question du serment et celle du départ des Acadiens. Les prêtres usèrent-ils de leur prestige dans un sens ou dans un autre ? On peut le croire ou en douter également. Pour notre part, nous inclinons à penser que quelques-uns d’entre eux, à un degré difficile à préciser, cherchèrent à faire entrer ou à confirmer leurs compatriotes dans l’idée du départ, et leur conseillèrent de ne prêter qu’un serment conditionnel. Mettant de côté le tableau fantaisiste tracé par la main de Francis Parkman, voici, selon nous, ce qui se passe d’ordinaire en pareille occurrence, et ce qui a dû avoir lieu en Acadie.

Parmi les prêtres, il y en a de mystiques, d’idéalistes, qui,