Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/648

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ger pour les envoyer sans dommage ; je t’avertirai si je les expédie devant moi. Mais, quelles soient en caisse ou autrement, il me semble qu’il ne faudrait pas qu’elles fussent visitées ; la main des commis est trop casuelle. Ton adresse pure et simple sera-t-elle une sauvegarde assurée ? Mande-moi s’il y a quelques précautions à prendre à cet égard.

J’ai acheté du sardis, beaucoup plus cher que celui dont je t’avais parlé, puisqu’il coûte 3tt 6s, mais aussi beaucoup meilleur. J’attends le fumiste ; je fais talonner Jeannin que je ne puis ravoir pour le petit barbouillage à la cheminée ; je viens encore moins à bout de Corbin[1], qui s’est enivré à Lyon, se repose ici et ne finit de rien.

Il faudra bien que je prenne un jour, quand j’aurai ma clef, la résolution de perdre quelques heures pur tâtonner et accorder ce pauvre forte-piano, dont j’oublierais de jouer.

J’acquiers tous les jours plus de sécurité sur l’état de mon frère et la possibilité de le quitter pour le petit voyage. Il ne sort toujours point, fait diète et use de remèdes doux. Mais la fièvre s’apaise et disparaît. Il commença hier d’écrire durant quelques moments, et j’imagine que c’est pour te répondre ; car vous n’êtes, ni l’un ni l’autre, gens à demeurer en reste avec personne. Nous causons toujours beaucoup, et je fais de mon mieux.

Eudora a été bien menée par sa médecine ; je me déterminerai ce soir à recommencer, ou non, demain samedi ; c’est une petite bilieuse qui regorge de cette humeur qu’on ne purge pas sans peine.

Le goût de la lecture est pris, il n’y a que du plus ou moins ; elle y met de lamour-propre, et je l’entendais dire avant-hier, sur l’escalier, à M. de Lalande[2] qui l’arrêtait : « Maman m’aime bien aujourd’hui, parce que j’ai bien lu. »

Je ne sais pas ce qui doit arriver à notre mère, mais je la trouve

  1. Corbin, ouvrier.
  2. S’agit-il de l’astronome ? Il était de Bourg-en-Bresse et y revenait parfois. Il aura pu passer par Villefranche pour voir Roland, avec lequel il avait eu quelques rapports (voir lettre du 16 juin 1780). — Nous ne trouvons pas d’autre Lalande en Beaujolais à cette époque.