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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

à la main, elle, avec un ouvrage, ne cousant ni ne lisant guère, et parlant de petits riens qui n’avaient d’intérêt ni pour lui, ni pour elle. Jamais dimanche ne leur parut plus doux. Ils convinrent de ne plus se séparer pour aller au concert : ils n’étaient plus capables d’avoir du bonheur, seuls.

Elle réussit à économiser en cachette assez pour faire à Olivier la surprise d’un piano loué, qui, d’après un système de location, au bout d’un certain nombre de mois, devait leur appartenir tout à fait. Lourde obligation qu’elle contractait encore ! Ces échéances furent souvent un cauchemar pour elle ; elle ruinait sa santé à trouver l’argent nécessaire. Mais cette folie leur assurait un tel bonheur, à tous deux ! La musique était leur paradis dans cette dure vie. Elle prit une place immense en eux. Ils s’en enveloppaient pour oublier le reste du monde. Ce n’était pas sans danger. La musique est un des grands dissolvants mo-