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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

guère de son carré de jardin, au fond des quatre grands murs, comme d’un énorme puits. Et pourtant, elle ne s’ennuyait pas trop. Elle s’occupait comme elle pouvait, et elle était résignée avec bonne humeur. Il s’exhalait d’elle et du petit cadre que toute femme se crée inconsciemment, en quelque lieu qu’elle se trouve, une atmosphère à la Chardin : ce tiède silence, ce calme des figures et des attitudes attentives — (un peu engourdies) — à leur tâche habituelle ; la poésie de l’ordre quotidien, de la vie accoutumée, des pensées et des gestes prévus, prévus à la même heure et de la même façon, et qui n’en sont pas moins aimés, avec une pénétrante et tranquille douceur ; cette sereine médiocrité des belles âmes bourgeoises : honnêteté, conscience, vérité, calme, calmes travaux, calmes plaisirs, et pourtant poétiques. Une élégance saine, une propreté morale et physique : cela sent le bon pain, la lavande, la droiture, la bonté. Paix des choses et des gens, paix des vieilles maisons et des âmes souriantes…

Christophe, dont l’affectueuse confiance attirait la confiance, était devenu très ami avec elle ; ils causaient assez librement ; il avait même fini par lui poser des questions, auxquelles elle s’étonnait de répondre ; elle lui disait des choses, qu’elle n’avait dites à personne autre, même à de plus intimes.

— C’est, lui disait Christophe, que vous ne me