Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/155

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francs du onze juin quatorze, qui n’a jamais été soldée. »

Les dernières lignes étaient brouillées. Une goutte était tombée, que le pouce avait écrasée.

La nouvelle de la mort arriva en même temps.

Alors, Sylvie découvrit qu’elle aimait celui qui partageait sa vie depuis douze ans. Elle n’avait guère apprécié en lui qu’un brave homme et un bon associé. La mort lui révélait que l’association allait bien au delà des affaires. À mêler ensemble leurs jours, ils s’étaient entrelacés si fort que les doigts de l’experte couturière n’auraient pu maintenant les débrouiller l’un de l’autre ; le fil qui s’était brisé, elle ne distinguait plus si c’était le mien ou le tien. Tout l’écheveau était rompu.

Et maintenant, elle s’avisa du tort qu’elle avait fait à celui qui avait été une partie d’elle-même… À ce cœur affectueux, l’amour parcimonieux qu’elle avait mesuré ! Les infidélités, dont peut-être il n’avait pas eu connaissance, s’il en avait eu le soupçon… Mais qu’il ne les connût point n’enlevait rien au remords : car elle les connaissait, elle : et elle, maintenant, c’était lui. Elle avait l’impression superstitieuse qu’en mourant il venait de tourner la clef qui permettait de lire en elle. Et ce qui acheva de la bouleverser, ce fut,