Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 3.djvu/52

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sait ses mains sur le visage du frère, avec un flot de paroles rudes et caressantes, où se mêlaient au français des mots flamands.

On atteignit la maison. Annette les installa dans sa salle à manger. La famille Bernardin prêta le lit d’un fils. On fit une autre couchette, sur le plancher, avec le matelas d’Annette. Le malade n’avait pas repris connaissance ; il fut déshabillé ; un médecin, demandé. Avant qu’il arrivât, la sœur, qui refusait de se reposer, s’affaissa terrassée ; et, pour quinze heures entières, le sommeil l’engloutit.

Ce fut Annette qui veilla.

Ses regards se portaient de l’un à l’autre masques : l’un, cireux et creusé, comme si on le voyait se vider de sa vie ; — l’autre, violent, tuméfié, la bouche grande ouverte, qui respirait de la gorge ; il en sortait, par coups de vent, des mots incohérents. Annette s’assoupissait, dans le silence de la nuit, gardant ces deux sommeils : le sommeil de la mort, et celui de la folie. Et elle tressaillait, se demandant pourquoi elle venait d’introduire sous le toit de la maison une torche hallucinée.