Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

anciennement. Supposons que pour prévenir la disette dans les mauvaises années, on proposât d’établir des magasins publics, dans combien de pays l’entretien d’un établissement si utile ne serviroit-il pas de prétexte à de nouveaux impôts ! À Genève, ces greniers établis & entretenus par une sage administration, font la ressource publique dans les mauvaises années, & le principal revenu de l’Etat dans tous les tems ; Alit & ditat, c’est la belle & juste inscription qu’on lit sur la façade de l’édifice. Pour exposer ici le système économique d’un bon Gouvernement, j’ai souvent tourné les yeux sur celui de cette République : heureux de trouver ainsi dans ma patrie l’exemple de la sagesse & du bonheur que je voudrois voir régner dans tous les pays !

Si l’on examine comment croissent les besoins d’un Etat, on trouvera que souvent cela arrive à-peu-près comme chez les particuliers, moins par une véritable nécessité, que par un accroissement de desirs inutiles, & que souvent on n’augmente la dépense que pour avoir le prétexte d’augmenter la recette ; de sorte que l’Etat gagneroit quelquefois à se passer d’être riche, & que cette richesse apparente lui est au fond plus onéreuse que ne seroit la pauvreté même. On peut espérer, il est vrai, de tenir les peuples dans une dépendance plus étroite, en leur donnant d’une main ce qu’on leur a pris de l’autre, & ce fut la politique dont usa Joseph avec les Egyptiens : mais ce vain sophisme est d’autant plus funeste à l’Etat, que l’argent ne rentre plus dans les mêmes mains dont il est sorti, & qu’avec de pareilles maximes on n’enrichit que des fainéans de la dépouille des hommes utiles.