Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/525

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Je voudrois qu’elle s’en fît une qui lui fût propre, qui développât & perfectionnât ses dispositions naturelles & nationales, qu’elle s’exerçât sur-tout à la vitesse & à la légereté ; à se rompre, s’éparpiller, & se rassembler sans peine & sans confusion, qu’elle excellât dans ce qu’on appelle la petite guerre, dans toutes les manœuvres qui conviennent à des troupes légeres, dans l’art d’inonder un pays comme un torrent, d’atteindre par-tout & de n’être jamais atteinte, d’agir toujours de concert quoique séparée, de couper les communications, d’intercepter des convois, de charger des arriere-gardes, d’enlever des gardes avancées, de surprendre des détachemens, de harceler de grands Corps qui marchent & campent réunis ; qu’elle prît la maniere des anciens Parthes comme elle en a la valeur, & qu’elle apprît comme eux à vaincre & détruire les armées les mieux disciplinées sans jamais livrer de bataille & sans leur laisser le moment de respirer ; en un mot ayez de l’infanterie, puisqu’il en faut, mais ne comptez que sur votre cavalerie, & n’oubliez rien pour inventer un systême qui mette tout le sort de la guerre entre ses mains.

C’est un mauvais conseil pour un peuple libre que celui d’avoir des places fortes ; elles ne conviennent point au génie Polonois, & par-tout elles deviennent tôt ou tard des nids à tyrans. Les places que vous croirez fortifier contre les Russes, vous les fortifierez infailliblement pour eux, & elles deviendront pour vous des entraves dont vous ne vous délivrerez plus. Négligez même les avantages de postes, & ne vous ruinez pas en artillerie : ce n’est pas tout cela qu’il vous faut. Une invasion brusque est un grand malheur sans doute, mais