Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t13.djvu/295

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craignent de se déshonorer parmi nous en s’y livrant accourroient à Geneve pour cultiver non-seulement sans honte, mais même avec estime, un talent si agréable & si peu commun. Le séjour de cette ville, que bien des François regardent comme triste par la privation des spectacles, deviendroit alors le séjour des plaisirs honnêtes, comme il est celui de la Philosophie & de la liberté ; & les étrangers ne seroient plus surpris de voir que dans une ville où les spectacles décent & réguliers sont défendus, on permette des farces grossieres & sans esprit, aussi contraires au bon goût qu’aux bonnes mœurs. Ce n’est pas tout : peu-à-peu l’exemple des comédiens de Geneve, la régularité de leur conduite, & la considération dont elle les seroit jouir, serviroient de modele aux comédiens des autres nations, & de leçon à ceux qui les ont traités jusqu’ici avec tant de rigueur, & même d’inconséquence. On ne les verroit pas d’un côté pensionnés par le Gouvernement, & de l’autre un objet d’anathême ; nos Prêtres perdroient l’habitude de les excommunier, & nos bourgeois de les regarder avec mépris : & une petite République auroit la gloire d’avoir réformé l’Europe sur ce point, plus important peut-être qu’on ne pense.

Geneve a une université qu’on appelle Académie, où la jeunesse est instruite gratuitement. Les Professeurs peuvent devenir Magistrats, & plusieurs le sont en effet devenus, ce qui contribue beaucoup à entretenir l’émulation & la célébrité de l’Académie. Depuis quelques années on a établi aussi une Ecole de Dessein. Les Avocats, les Notaires, les Médecins, forment des Corps auxquels on n’est aggrégé qu’après des